Mahougnon KAKPO

Mahougnon KAKPO

écoles á proximité

Redip BENIN
Redip BENIN
Rue SBEE Zogbadje

Tu pourrais aussi aimer

EOI Francès
EOI Francès

Né au Bénin, le Professeur Mahougnon KAKPO enseigne à l'Université d'Abomey-Calavi (Bénin).

Il est spécialiste de l'épistémologie du Fa et du Vodun à laquelle il a consacré de nombreuses études.

Photos from Mahougnon KAKPO's post 25/04/2022
25/04/2022

Dans la sphère africaine, anglophone comme francophone, plusieurs ouvrages existent, d’auteurs africains (béninois, togolais, nigérians notamment) et non africains (français, américains en particulier), qui rendent compte du système Ifá ou Fá dans ses multiples aspects : son histoire, son éthique, sa vision générale, ses mythes et légendes, ses aphorismes et devises, sa méthode, sa constitution et son schéma global, ses outils rituéliques de consultation ou de divination, son fonctionnement, ses différentes obédiences… Cependant, il est toujours difficile de l’appréhender et d’en proposer une définition qui puisse faire l’unanimité, tant au niveau des observateurs qu’au niveau des praticiens et autres spécialistes.
Cet embarras à définir le Fá procède de deux raisons fondamentales. D’une part, le Fá est d’abord et avant tout un Ordre initiatique avant d’être perçu comme un système de divination qui n’est qu’une infime partie de ses potentialités. Ainsi, en tant que le Fá relève du rapport avec le sacré et s’adressant, en définitive, au plus haut degré de l’expérience intime et intuitive, toute définition du Fá semble être ruinée par l’esprit cartésien et ce, en dépit de son ancrage incontestable dans des disciplines scientifiques avérées telles que les mathématiques (algèbre, arithmétique, mathématiques fractales…) et surtout l’informatique. Or, et c’est ce qui est bien paradoxal, lorsque les difficultés de l’existence accablent ceux-là qui se réclament du cartésianisme le plus invétéré, ceux-là qui opposent à tout propos et à tout objet la méthode et la démarche cartésiennes, lorsque la vie ne leur laissent plus aucune issue que le désespoir et même la déchéance, ils se retournent sans scrupule vers les sphères initiatiques.
D’autre part, la seconde raison essentielle qui fonde l’embarras dans l’élaboration d’une définition du Fá est sa capacité d’opiner judicieusement, de façon holistique et sans faille, au sujet de tout ce qui est ou qui peut advenir. Le Fá s’exprime à tout propos et donne solution à toute préoccupation grâce à sa méthode. Et c’est justement l’incapacité d’une saisie spontanée de sa méthode qui rend périlleuse toute tentative de définition du Fá. Le Fá est-il une simple méthode d’approche phénoménologique ? Est-il un mode de pensée, une philosophie, une théosophie, un système divinatoire… ? Ou, plus simplement, est-il un Esprit… ? Les différentes approches définitoires ne le suggèrent pas assez.
Cependant, nous avons besoin d’indiquer des repères pour une saisie sans ambages du Fá. C’est là l’objectif du présent essai qui s’adresse à ceux qui ont entendu parler ou ont approché le Fá, soit sous l’angle des préjugés colportés depuis le XVIIème siècle par les envahisseurs et missionnaires occidentaux ainsi que par leurs suppôts africains, soit sous l’angle d’appréciations positives mais sans grande possibilité d’aller plus loin dans la définition. Ce livre s’adresse aussi, et c’est fondamental, aux Bòkɔ́nɔ̀ et Babalawo (Prêtres du Fá), jeunes ou anciens dans l’exercice de la profession, mais qui ignorent toujours (encore) comment appréhender et même parfois comment concevoir l’art qu’ils pratiquent pourtant chaque jour et dans lequel ils excellent cependant.
Aussi aux demandeurs ou aux bénéficiaires des services du Fá qui, en dépit des soins apportés par les Bòkɔ́nɔ̀ praticiens, ne perçoivent toujours ni le sens ni la portée d’une telle intervention dans leur vie et qui continuent de confondre science et méthode initiatique, divination et pensée philosophique, éthique et religion… ce livre apporte-t-il un éclairage saisissant et définitif par sa propre méthode, celle qui procède du panégyrique.
Ainsi, dans la sphère de la tradition orale, notamment dans les cultures Àjǎ-Tádó( ) portées par les continua dialectaux Gbè et K’áǎrɔ̀( ), le panégyrique est l’un des genres classiques majeurs de la transmission d’autant plus que sa structure fragmentaire lui confère un format d’archive. Si en littérature orale il siège allègrement comme le genre démonstratif par excellence, c’est surtout parce que cette structure ainsi que ce format autorisent un lyrisme poétique qui ouvre ses portes sur l’histoire et donc sur la connaissance aussi bien des êtres que des choses. Il est important de rappeler que dans l’aire culturelle Àjǎ-Tádó, il existe plusieurs types de panégyriques : clanique, royal, topique ou panégyrique du Vòdún… (ce dernier pouvant même être un élément de la nature tel qu’un arbre( ), un cours d’eau, l’océan, un animal comme le Python Royal…) avec leurs différentes déclinaisons( ). Ici, c’est-à-dire dans le cadre spécifique de la liturgie Vòdún, l’allure discursive (discours hagiographique et dithyrambique) ainsi que la fonction (historique, morale et pédagogique) du panégyrique ne varient pas. De même, la construction privilégiant le vocatif inhérent à ce genre permet de louer et d’immortaliser le Vòdún dans la ferveur de la célébration. Mais la spécificité dans la liturgie Vòdún est que le panégyrique est la porte unique donnant accès au Vòdún. Il permet, avant toute sollicitation pour une quelconque action, de vénérer le Vòdún en accroissant ses influx et en stimulant l’énergie qui y est cristallisée. Chaque rituel - d’invocation, d’immolation, de grâce, de bain rituélique, d’initiation, de consécration…- est une occasion pour réciter le texte panégyrique et louer le Vòdún avant de lui soumettre une préoccupation spécifique.
Ainsi, le Fá( ), non la science ou le système divinatoire mais le Vòdún ou la Puissance Spirituelle( ), a également son propre panégyrique à l’aide duquel il est invoqué avant tout rituel ou toute consultation. Ici, le panégyrique est un poème rituélique qui s’égrène à l’image d’un texte de dévotion porté par un enthousiasme poétique, adressé au Fá pour le glorifier et louer ses valeurs et hauts faits dans le seul but de l’emballer pour l’action ou le rituel conséquent. Ce poème, dit par le Bòkɔ́nɔ̀ (prêtre du Fá), assis ou à genoux sur une natte étalée au sol, est la clé qui ouvre et introduit le dialogue entre Fá (le Vòdún) et les humains.
Le panégyrique étant un texte jamais achevé, mais toujours dynamique et ouvert pour recevoir les hauts faits dignes des pièces d’épopée, est non seulement un document d’archive et donc d’histoire, celle impliquant notamment l’attributaire : le héros. Mais la question fondamentale à laquelle toute glose en épistémologie du Fá devrait d’abord répondre, porte avant tout sur une clarification référentielle : qu’est-ce que le Fá ? La réponse à cette préoccupation fondamentale et légitime, vieille mais toujours d’actualité parce qu’étant toujours au cœur des premiers questionnements dans les propos sur le Fá, est le premier pas vers la connaissance de cette entité caractéristique de l’Àjǎ-Tádó. Car, il est aujourd’hui inconcevable de continuer de répondre à la question de savoir « qu’est-ce que le Fá » par la réponse donnée dans les années 1940 à la même question par le célèbre Bòkɔ́nɔ̀ Guèdègbé( ). C’est donc pour répondre à cette question, non par une glose soporifique, comme on en trouve dans des études de seconde main, que la présente étude se propose de partir d’un document essentiel d’archive définitive puisé dans la médiathèque compacte( ) qu’est le Fá. Recourir au panégyrique du Fa lui-même afin de l’interroger paraît la meilleure démarche vers une réponse satisfaisante. Cette option permettra, d’une part, d’établir le portrait de la divinité par l’examen de son panégyrique et de montrer, d’autre part, que ce texte, ce poème rituélique, le panégyrique, est un document d’archive dont la fragmentation et la défragmentation produisent des anas de fragments d’épopées qui constituent, en somme, l’architecture principale de la glorieuse Epopée du Fá.
Le texte panégyrique sur lequel l’étude a porté a été recueilli auprès de plusieurs Bòkɔ́nɔ̀ dont la compétence et la connaissance de la pratique du Fá sont avérées. Ils sont six (06) au total, de diverses obédiences( ) de l’Àjǎ-Tádó et répartis équitablement selon chaque groupe linguistique. Les trois (03) Bòkɔ́nɔ̀ du groupe Gbè sont des érudits choisis au sein du Comité Tofá( ). Pour le groupe K’áǎrɔ̀, les trois (03) Bòkɔ́nɔ̀ retenus appartiennent à l’Ordre Alébíòshù dont le siège est dans l’Arrondissement de Pobè au quartier Oké Ata.
La méthode adoptée a consisté à se rendre chez ces praticiens du Fá, dans leur salle de consultation sur rendez-vous et avec précision préalable sur la préoccupation. Puis après les salutations d’usage, je leur ai demandé de me réciter le texte panégyrique du Fá. J’ai utilisé des appareils enregistreurs afin de ne rien omettre du texte. J’ai demandé à chacun d’eux des explications et commentaires sur les fragments du texte.
Après cette collecte brute sur le terrain, j’ai procédé, comme je l’avais fait lors de l’établissement du corpus de mon ouvrage sur Yɛ̀kú-Méjì( ), à une analyse linguistique favorisant le travail herméneutique( ). J’y ai découvert plusieurs fragments identiques, parfois avec une prononciation un peu différente selon que le locuteur est du groupe Gbè ou K’áǎrɔ̀ ou selon que le fragment est dans l’une des langues de l’un ou l’autre de ces groupes. Le caractère identique de ces fragments confirme ainsi le format d’archive du panégyrique du Fá. Par contre, plusieurs fragments dont la traduction est douteuse et la compréhension non pertinente y sont présents. J’ai donc supprimé les doublons non significatifs ainsi que les fragments inappropriés après plusieurs entretiens avec des Bòkɔ́nɔ̀ ne les ayant pas proposés afin de vérifier s’ils en avaient connaissance ou s’ils pouvaient aider à leur fragmentation-défragmentation. Cette dernière démarche n’ayant pas produit les résultats escomptés dans la plupart des cas, ces fragments ont été écartés. Mais ils ont été écartés, pas parce qu’ils ne sont pas éligibles au rang de fragments susceptibles d’être insérés dans le texte panégyrique du Fá, mais simplement parce qu’à présent, la technique de fragmentation-défragmentation (le moteur de recherche) utilisée n’est pas appropriée et n’a donc pas encore pu permettre de descendre dans la médiathèque compacte du Fá afin de retrouver dans les anas de chacun des langages du Fá, les informations localisées y relatives. Il s’agit là d’une situation qui renvoie à une obscurité herméneutique où est présent un piège également herméneutique que l’exégète en tradition orale doit savoir éviter pour ne pas verser dans des élucubrations indéfendables.
Après cette étape, j’ai procédé au codage thématique des fragments afin de les ordonner selon les caractéristiques du portrait : origines, traits physiques, psychologiques et moraux…, domaine de compétence, fonctions, actions, interdits, symbolismes et archétypes… Puis j’ai opéré, sur ces fragments, grâce à l’alphabet des langues nationales béninoises, les transcriptions phonétique et juxtalinéaire, la traduction littéraire suivie chaque fois d’un commentaire qui en révèle le sens et qui n’est rien d’autre qu’un travail herméneutique procédant de la fragmentation-défragmentation de ces pièces d’archives. Ainsi, initialement de cent trois (103) fragments, le corpus du texte panégyrique du Fá constitué est ramené à quatre-vingt-cinq (85) fragments. J’ai indiqué, au début de chaque commentaire, le groupe linguistique d’où provient le fragment. On constate dans bien des cas que le fragment peut être constitué de particules provenant des deux groupes : Gbè et K’áǎrɔ̀ à la fois.

25/04/2022

Les enseignants du Département des Lettres Modernes de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université d’Abomey- Calavi sont en train d’introduire de façon irréversible dans les traditions de cette entité d’études une nouvelle perspective de recherche qui n’a pu y exister en plus de quatre décennies. Il s’agit de la publication d’un ouvrage collectif aussi bien autonome qu’interne qui ambitionne de faire le point de la littérature au Bénin dans presque tous ses aspects.
Cette initiative est d’autant plus à saluer que si les enseignants de ce Département ont coutume de commettre des ouvrages critiques individuels ou de faire leurs publications dans des revues scientifiques sur le plan international ou national, c’est pour la première fois qu’on observe à leur niveau une collaboration étroite avec la ferme volonté d’instituer une publication interne qui situe la littérature de leur pays dans ses orientations nouvelles. Voix et voies nouvelles de la littérature béninoise, on a pu s’en rendre compte, rassemble des informations et des enseignements précieux sur divers aspects de la vie littéraire béninoise et offre plusieurs repères formatés au moyen d’approches méthodologiques éprouvées puisées aux meilleures sources d’étude du texte littéraire.
Sa lecture permettra aux hommes de lettres et de culture, aux enseignants et chercheurs de tous ordres, aux étudiants et aux élèves de mieux approcher les écrivains béninois, de les lire désormais avec bonheur et efficacité et de trouver aussi, dans l’architecture des textes qu’il diffuse, les exemples de mise en oeuvre des méthodes d’approche du texte littéraire. Ce n’est qu’ainsi que pourra se répandre la science littéraire pour la formation intégrale de l’esprit humain.

25/04/2022

Les fils de Ra est riche de paroles sacrées empruntées de toutes parts. Les religions semblent y prôner les mêmes lois d’amour. Et les mythes que voilent les innombrables symboles du poème concourent à le prouver. Toutefois, l’origine de ce poème reste un mystère, ses motivations aussi. Et quand Kakpo est questionné, la soif du curieux devient plus inassouvie. Si Eros rime avec Thanatos, Les fils de Ra l’accrédite davantage avec les couples éternels Jiku/Abiku, Mort/Vie et toutes les lois contradictoires universelles profanes et mystiques

25/04/2022

Lire ces trois poèmes de Kakpo, de Glèlè et de Barnabé-Akayi à Nouréini Tidjani-Serpos dédiés relève d’une rituélie qui fait goûter à la poésie béninoise d’aujourd’hui mais surtout qui fait maîtriser les encodages et les transcodages d’une poésie fantastique et épique prônant l’assèchement du fleuve pour une crue plus triomphale et éternelle, louangeant l’extinction de la lune pour le lever du soleil. Lire ces poètes qui travaillent le silence et l’échec langagier rehausse la capacité du cerveau à saluer le sacrifice, l’anticipation et la praxis, trois valeurs nécessaires pour hisser véritablement l’humanité dans l’infinitude de la Beauté.

25/04/2022

De cette création poétique, Pour circoncire le sel, le lecteur passe à la découverte scientifique et paranormale. Il peut repartir vers lui-même, sans avoir peur d’échouer, sans crainte de recommencer éternellement, en affrontant l’absurdité de l’existence et « recréer le monde » aux plans littéraire, linguistique, culturel, social, politique, économique, religieux : s’inspirer des réalités socioculturelles de chez lui (« la calebasse s’enracine ») pour apporter sa contribution. La poésie retrouve son sens étymologique : création ! action ! Désormais muni de tous les sens physiques et métaphysiques, le lecteur peut décoder, recoder, transcoder, à sa façon, ce poème, s’il ne rejette guère l’avis du préfacier Camille Amouro.

25/04/2022

Ce livre est la réalisation concrète d’un voeu, l’exaucement d’une prière. Il est le fruit d’une cotisation de volontés qui, par un processus de longue maturation durant plusieurs années, a fini par prendre chair. C’est, en effet, depuis au moins quinze ans, que l’idée a été émise au Département des Lettres Modernes de l’Université d’Abomey-Calavi de rendre hommage à quelques-uns de ses enseignants méritants. Mais des contraintes de divers ordres ont réfréné l’ardeur des uns, amoindri l’enthousiasme des autres. Toutefois, la source de ce projet d’hommage n’a point tari. A l’image d’une eau souterraine, elle a continué à sourdre, lentement ; elle a continué à se frayer des rigoles dans les consciences, à étendre ses bras, à gagner d’autres esprits... Et la voilà maintenant qui jaillit, en un bouquet d’une quinzaine d’articles scientifiques regroupés sous le titre Ecritures, sociétés et imaginaire. L’objectif visé est de rendre hommage aux enseignants- chercheurs qui, entre les années 1980 et 2000, se sont évertués à apporter des contributions scientifiques considérables à la science littéraire universelle. Ils sont bien nombreux, mais nous n’en citerons qu’une douzaine : Adrien Huannou, Ascension Bogniaho, Guy Ossito Midiohouan, Pierre Mèdéhouegnon, Gabriel Boko, Bienvenu Koudjo, Nouréini Tidjani-Serpos, Thécla Gbikpi-Bénissan Midiohouan, Bernardin Kpogodo, Mathias Dossou, et feu Gabriel Orou-Bagou, arraché à notre affection en août 2021. Admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite, ils ont formé des milliers d’étudiants, dirigé des centaines de mémoires de maîtrise, de D.E.A. ou Master et des dizaines de thèses de doctorat. Ils méritent bien d’être considérés comme des « passeurs d’étoiles ». Cet ouvrage, qui leur est dédié, est un maillon de plus dans la chaîne des recueils d’études critiques collectivement initiés et produits par des enseignants du Département des Lettres Modernes (DLM). Il vient, en effet, après Repères pour comprendre la littérature béninoise d’expression française en 2008, Vo

25/04/2022

La parution du récent roman de Ken Bugul, La Folie et la Mort( ), me donne l’occasion de préciser et de caractériser la création littéraire aussi bien de cet auteur qu’au Bénin en général. Il est vrai que l’écrivain Ken Bugul, d’origine sénégalaise et Béninoise par alliance, n’est plus inconnue de l’historiographie négro-africaine. Son œuvre, de plus en plus abondante( ) confirme un talent, une forme d’écriture et un art maîtrisé. Cette vitalité de l’écriture qui, sans conteste, n’est que le reflet du dynamisme de l’écriture romanesque féminine béninoise aujourd’hui( ) semble être le respect de l’engagement de Ken Bugul : Publier un roman chaque année. C’est certes un pari bien difficile à tenir si l’on veut éviter de proposer des horreurs à lire au public. Mais la publication de Riwan ou le chemin de sable( ) et de La Folie et la Mort semble prouver que la romancière béninoise a déjà ce qu’en tout art on appelle la main, et qui, précisément dans le domaine de la création littéraire, est ce qu’Edouard Glissant a nommé l’intention littéraire sans laquelle nous affirmons que l’œuvre ne saurait accéder au stade d’œuvre littéraire et, par conséquent, ne peut qu’épouser la moisissure.

Circonscrire donc l’univers romanesque ou imaginaire de Ken Bugul, notamment à partir de La Folie et la Mort qui procède de la même technique de créations burlesques avec une touche beaucoup plus accentuée de la déconstruction ou, mieux, de la décomposition, que dans les trois premiers romans, revient surtout à préciser les contours de ce que c’est que le burlesque avant d’en montrer les manifestations ou les survivances dans l’œuvre de Ken Bugul. Peut-être cette perspective nous aidera-t-elle à soutenir que le roman béninois, avec des écrivains tels que Ken Bugul, Jérôme Carlos, Olympe Bhêly-Quénum et Florent Couao-Zotti et, au-delà, le roman négro-africain d’expression française, se met en orbite autour d’un terme, l’archaïque, dont le visage fuyant et inconstant permet d’exprimer presque toutes les préoccupations de notre temps, mais qui revêt une forme technique avec une apparence unitaire aux différents phénomènes qu’il éclaire.

Il est vrai que le roman négro-africain d’expression française, notamment entre 1960 et 1980, avait déjà insisté sur la distance entre le héros et son univers, entre l’individu et sa société, distance qui, provoquée par ce que les écrivains anglophones ont nommé Le monde s’effondre et Le Malaise ( Achebe ) ou encore Une saison d’anomie ( Soyinka ), pousse les personnages à rechercher l’existence sous d’autres apparences telles que La Folie et la Mort. Mais il est aussi vrai qu’aucune autre période que celle allant de 1980 à nos jours n’a encore autant exacerbé et approfondi cette distance sur le plan littéraire avec une dissolution du personnage romanesque, une inflation verbale, des débordements irrationnels et fantastiques, une congestion et une vacuité consternantes, des tendances politiques indéterminées ou à options multiples. On comprendra, tout simplement, au terme de cette étude, que l’archaïque qui permet de mieux appréhender le roman béninois d’aujourd’hui, n’est que carrefour, synchrétisme, ouverture, et que ce qui y est intéressant est ce qu’il y a de symbolique.

25/04/2022

INTRODUCTION :
DE L’ARCHAÏQUE, DU FANTASTIQUE POPULAIRE
ET DU BAROQUE

DE LA MODERNITE. Depuis quelques décennies, et cela de façon très persistante, le concept de modernité envahit tous les domaines de la vie, notamment les sciences humaines, sociales, exactes et techniques. Cet envahissement, du moins cette agression, affecte singulièrement les modes de pensées où l’on note comme une révolution. La modernité devient une religion, un parti politique auquel l’on adhère avec une foi ardente pour ne pas paraître ringard. Le mot d’ordre semble être : « Naguère, il fallait être en phase avec la société dans laquelle l’on vit. Aujourd’hui, il faut être débranché ». Ainsi, la modernité, qui « s’appréhende sous la forme d’une fuite sans fin »( ), apparaît comme une drogue et distille un vertige qui se saisit de toute la société. Aussi ses adeptes se réclament-ils d’une philosophie de l’histoire fondée sur l’irréversible et l’inéluctable( ).
Ce vertige, que Georges Balandier nomme « le mouvement plus l’incertitude », n’épargne guère la sphère de la littérature, notamment négro-africaine d’expression française, où il provoque une tension dialectique et sociale. Nous l’avons vu avec Sous l’orage de Seydou Badian et le percevons davantage comme un nihilisme dans cette affirmation que Tchicaya U Tam’Si met dans la bouche de Malonga : « Les anciennes croyances, ce n’est pas la civilisation »( ).
Lors, nous constatons que ce à quoi Malonga oppose sa civilisation, ce sont les anciennes croyances. Par conséquent, la question semble ainsi se poser sous la forme d’une opposition classique mais surtout triviale et simpliste – tradition /modernité. Le second terme tente de chasser le premier, de le réduire ou de l’annihiler complètement. Mais y parvient-il ? Pourrait-il d’ailleurs y parvenir ? Sans hésitation, la réponse est non. Parce que la tradition, contre toute attente, est ce qui se fait chaque jour. Elle contient les éléments de sa propre élaboration à laquelle contribue, malgré elle, la modernité. Ce phénomène explique peut-être pourquoi chez certains écrivains négro-africains la perspective de la tradition et de la modernité est un véritable programme littéraire.
En effet, la profondeur de l’apparence du roman négro-africain d’expression française n’exprime pas moins un mouvement, celui-là qui tient surtout sa force de la volonté de désigner plus qu’une simple opposition entre le mode de pensée traditionnel - la parole mythique - et les valeurs modernes. Par conséquent, le terme qui conviendrait le mieux pour désigner un tel mouvement est l’archaïque, à la fois perçu comme un thème et une esthétique.
DE L’ARCHAÏQUE. Si l’archaïque offre une plus grande lisibilité au roman négro-africain, qu’est-ce donc que l’archaïque ? A quoi le reconnaître ? Comment le distinguer de la tradition et de la modernité ? Quels en sont les rapports avec le baroque et le fantastique populaire, étant donné que les trois concepts tendent à se confondre ?
Le concept de l’archaïque en effet, n’a pas de définition historique absolue. Peut-être est-ce un catégorème métahistorique. Ce qui est cependant évident, c'est qu'étymologiquement le terme de l’archaïque renvoie à ceux de origine, point de départ, principe. Si la notion de passé est très caractéristique de l’archaïque, celle de permanence ne l’est pas moins.
Ainsi, l’archaïque suppose les catégories de temps - passé, présent, futur - et d’aspect - duratif, itératif. Ces considérations autorisent dès lors une première tentative de définition de l’archaïque qui serait du dé-passé toujours présent. En d’autres termes, l’archaïque sustente les items de ce qui paraissait dépassé et qui ne cesse de revenir. Partant, l’archaïque est un décalage. Car, les phénomènes de retour, tantôt sous forme de résurgence, de rémanence et tantôt de permanence, approvisionnent une grande part de la création littéraire, plastique et musicale moderne( ) qui, dans la littérature négro-africaine d’expression française, se présentent sous forme de maraboutisme et de sorcellerie. Ces pratiques, en dehors même d’une adhésion intellectuelle et rationnelle, continuent cependant d’exercer leur prestige sur la société moderne africaine, notamment sénégalaise( ). Nous pensons également au thème de la sauvagerie qui met en exergue des Européens présumés civilisés, comme c'est le cas dans Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad et dans La voie royale d’André Malraux, et dont la séduction s’exprime dans des romans comme ceux de Sony Labou Tansi ou dans Le devoir de violence de Yambo Ouologuem.
DE L’ARCHAÏQUE ET DES AUTRES CONCEPTS. Si l’archaïque peut se concevoir comme ce qui est dépassé mais qui revient en permanence, n’est-il pas alors synonyme de la tradition ? Il faut préciser qu’entre l’archaïque et le traditionnel, il y a une différence de fond. Une société traditionnelle peut être ancienne mais pas décalée parce que le rôle de cohérence dans le groupe y est absolu, tandis que l’archaïque caractérise une société ayant atteint un autre stade de développement, étant entendu que ce dernier terme est une notion très relative. Par exemple, les masques comme les cauris, dans les sociétés négro-africaines étaient connus mais ignorés jusqu’à une époque récente dans notre littérature et dans nos arts. Aujourd’hui, ils y sont introduits et privilégiés pour définir les contours d’un art nouveau. Aussi assistons-nous à une tension dialectique de l’archaïque et de la modernité. C'est bien cette situation qui semble exaspérer le Docteur Kofi-Marc Tingo, personnage central de L’Initié d'Olympe Bhêly-Quenum, lorsqu'il s'écrit : « Ce qui est plus grave, et même aberrant, c'est l'attitude de ce qu'on appelle "l'élite africaine" : la crainte d'être traités de sauvages ou de non-civilisés, par quelques Européens, éloigne certains hommes de cette "élite" des secrets de nos pères qu'ils taxent, eux aussi, de superstition »( ).
Ainsi, la modernité semble être confrontée à l'archaïque qui n’est plus qu’un paradoxe de ce siècle. Car, plus la modernité prend conscience de ce qu’elle est, plus se pose le problème de l’archaïque. La littérature quant à elle, en transgressant les normes du présent, débouche à la fois sur la modernité et sur l’archaïque.
Par ailleurs, le concept de l’archaïque, perçu comme la rémanence des structures fondamentales de la pensée mythique, se retrouve en parfaite symbiose avec le fantastique populaire et le baroque. Si la caractéristique essentielle du fantastique populaire est son aspect héréditaire avec un rapport difficilement définissable entre réel et fiction, le baroque lui, serait « la voix de l’inconscient qui proteste contre la dictature rationalisée du conscient »( ).
Le dénominateur commun de l’archaïque, du fantastique populaire et du baroque, est une nostalgie, celle notamment d’un paradis perdu que l’écrivain ou l’artiste, consciemment ou non, tente de ressusciter. Reconnaissons que cette tentative de résurrection s’est déjà exprimée à l’origine, non seulement dans le roman négro-africain d’expression française avec L'enfant noir de Camara Laye, Ngando de Paul Lomami-Tchibamba, Crépuscule des temps anciens de N**i Boni, Les fils de Kouretcha d’Aké loba, Karim de Ousmane Socé Diop ainsi que Le chant du lac d’Olympe Bhêly-Quenum, mais surtout dans la poésie écrite négro-africaine d’expression française où les valeurs anciennes seront magnifiées, idéalisées et où l’Afrique Noire sera considérée comme la Terre Promise, un Jardin d’Innocence, ou encore un Royaume d’Enfance cher à Senghor.

Photos from Mahougnon KAKPO's post 25/04/2022

DEBOUSSOLEMENT ET CERTITUDES DANS LA POESIE BENINOISE : LE CAS DE NOUREINI TIDJANI-SERPOS DANS LE NOUVEAU SOUFFLE ET DE JEAN-MARC AURELE AFOUTOU DANS CERTITUDES

Mahougnon KAKPO
(Université d’Abomey-Calavi, Bénin)

« J'ai le même hoquet de colère que vous
les mêmes nausées
les mêmes vomissures sanguinolentes
et les mêmes excréments à fo**re à la face
du CIEL et de la TERRE . »

Dans la sphère négro-africaine, l'équilibre initial qui singularisait les sociétés traditionnelles est brisé par l'esclavage et envenimé par la colonisation. Aimé Césaire définit cette dernière comme une machine exploiteuse d'hommes et déshumanisante, une machine à détruire des civilisations qui étaient belles, bien fraternelles. Cette situation de déséquilibre ou de déstructuration atteint son summum lorsque l'envahisseur passe les rênes du pouvoir aux nouveaux maîtres africains dont les actions sont négativement couronnées par la faillite des systèmes politiques et économiques au lendemain des indépendances.
En effet, lorsqu'en 1960, dix-sept pays africains accédèrent à la souveraineté nationale, parachevant ainsi la lutte des peuples pour la souveraineté, la liberté et l'émancipation, toute l'Afrique en liesse alluma des feux d'artifice et fêta dans la plus totale allégresse, la dignité, l'honneur et l'intégrité enfin recouvrés. Pour les populations, une nouvelle ère, génératrice d'espoirs, s'amorçait. Mais très tôt, elles allaient déchanter. Leurs illusions allaient s'effriter, s'éclater et tomber en lambeaux. Ces indépendances ratées, qui ne profitaient qu'à certains, n'avaient apporté à d'autres qu'une simple Carte d'identité. La nouvelle élite au pouvoir avait inconditionnellement adopté des idéologies inadaptées aux réalités et aux cultures africaines. Et, pour bien affermir les bases de leur pouvoir, les dirigeants africains, très tôt mués en Guide Providentiel, Sauveur, Messie-Koï, Vénérable Maître, guide Éclairé  pour ne retenir que ces quelques images empruntées au roman négro-africain qui présente ces personnages ubuesques comme de véritables fantoches et matamores  ont installé un pouvoir le plus souvent totalitaire, « relayé tantôt par l'armée, tantôt par le parti unique, tantôt par les deux conjugués » . Ainsi ont-ils transformé une grande partie du continent en un goulag tropical.
La poésie de cette période embrasée exprime clairement ce constat d'échec à travers de nouveaux symbolismes sociaux qui traduisent à leur tour ce que Nouréini Tidjani-Serpos a appelé les « démons intérieurs » du poète.
S'il y a une constance dans les thèmes développés par la poésie négro-africaine au lendemain des indépendances, c'est justement celle exprimant ce que le poète appelle un « monde qui bégaie », c'est-à-dire le désespoir d'une génération perdue et sacrifiée. C'est à peine si l'on peut nommer les poètes qui n'ont pas exprimé ce mal-vivre. Celui-ci, ainsi que le déséquilibre social, se manifestent dans la poésie par un véhément réquisitoire contre les vecteurs de la misère, de la maladie et de la mort. L’étude des différents aspects de la poésie négro-africaine d’expression française permet d’appréhender la valeur du décentrement de l’univers.
Dans la présente étude, nous essayerons d’appréhender la manière dont cette situation chaotique est exprimée et présentée par les poètes, notamment les poètes béninois. Pour y parvenir, nous retiendrons deux poètes béninois : Nouréini Tidjani-Serpos et Jean-Marc Aurèle Afoutou.
Nous avons retenu ces deux poètes non pas parce qu’ils sont les plus représentatifs de toute la poésie béninoise écrite d’expression française, mais plutôt parce qu’ils font partie tous les deux des poètes de la deuxième génération (1972-1990) des poètes béninois , ceux-là qui ont pris position d’une façon ou d’une autre, contre l’expérience de la Révolution du 26 octobre 1972. Nouréini Tidjani-Serpos (1946) et Jean-Marc Aurèle Afoutou (1947) se consacrent toujours à l’écriture.
Il faut préciser toutefois que les deux poètes, Nouréini Tidjani-Serpos et Jean-Marc Aurèle Afoutou, n’ont pas eu les mêmes chances de publication. En effet, si de 1967  date de publication de son premier recueil de poèmes  à 2001, Nouréini Tidjani-Serpos a publié cinq recueils de poèmes ainsi que des poèmes en vrac, sans compter les romans et autres ouvrages critiques, de théorie et d’esthétique littéraire (voir la liste des ouvrages publiées par les deux poètes en fin de document), Jean-Marc Aurèle Afoutou par contre, n’a publié qu’un seul recueil de poèmes, Certitudes (1991), mais il a à son actif six autres recueils de poèmes et une vingtaine de nouvelles, toutes inédites, ainsi que plusieurs articles de réflexion sur le phénomène littéraire et pédagogique dans divers journaux de la place.
Nouréini Tidjani-Serpos et Jean-Marc Aurèle Afoutou, à travers leurs œuvres, notamment Le nouveau souffle( ) pour le premier et Certitudes pour le second, expriment leur désarroi face au bouleversement du monde contemporain. Ici, nous tenterons de révéler l’impact des deux états psychologiques qu’induisent leurs réactions sur la poésie.
Le premier état est l'expression du déboussolement du poète face aux bouleversements du monde moderne. C'est ce que nous pouvons appeler le Présent énucléé qui est la manifestation d'un imaginaire chaotique. Mais ne pouvant subir éternellement ce mal-vivre sans réagir, les poètes adoptent une autre stratégie, celle qui consiste à être optimistes. Il s'agit là du second état psychologique ou le temps des certitudes. Les deux poètes sont persuadés que la situation changera pour apporter de nouvelles expériences. Aussi affirment-ils leur détermination de pouvoir donner un sens à ce qui n’en a plus.

Vous voulez que votre école soit école la plus cotée à Abomey-Calavi ?
Cliquez ici pour réclamer votre Listage Commercial.

Site Web

Adresse

C/144 Godomey
Abomey-Calavi

Autres Enseignement supérieur à Abomey-Calavi (voir toutes)
Rskboy Rskboy
Abomey-Calavi

Groupe ''Succès À Coùp Sùr'' Groupe ''Succès À Coùp Sùr''
229
Abomey-Calavi

Nous sommes spécialisés dans l'animation des travaux dirigés, l'organisation des examens blancs régionaux,les répétitions de maison et d'autres formations professionnelles..

Complexe scolaire AKABÉ Complexe scolaire AKABÉ
Calavi
Abomey-Calavi

École

Adl adl Adl adl
Aholouhal@gmail. Com
Abomey-Calavi

Germain kpohinto Germain kpohinto
Cotonou
Abomey-Calavi, ARBIBE

Étudiant

Bossou et fils Bossou et fils
Calavi Zopah
Abomey-Calavi

À près la pluie c'est le beau temps

Réseau des Étudiants de l'UAC Réseau des Étudiants de l'UAC
Abomey-Calavi

Creuset des étudiants de l'Université d'Abomey Calavi

Learn English language every where you are. Learn English language every where you are.
Calavi
Abomey-Calavi, MANAGER

Learn to read.

Aurel le Juriste Aurel le Juriste
Abomey-Calavi

Nul n'est censé ignorer la loi

L'intelligence''Imo'' L'intelligence''Imo''
Abomey-Calavi

La clef de la réussite

Eudes officiel Eudes officiel
Agassa-godomey
Abomey-Calavi

La seule façon d'échouer, c'est d'abandonné avant d'avoir réussi ���

Professeur Azandegbe Eni Coffi Professeur Azandegbe Eni Coffi
Calavi
Abomey-Calavi, 229