Elsapostrophe
đ» Livrovore enluminĂ©e đđ BibliothĂ©caire, en transformation libraire âš IsĂšre / GrĂ©sivaudan
Vague de froid â Jean Cremers â 2023
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Quoi de mieux quâune vague de froid en ce chaud dĂ©but dâĂ©tĂ© ?
Jules et son frĂšre Martin sont en route pour la NorvĂšge afin de gravir le Preikestolen. Jules, le plus jeune, encore Ă©tudiant en Ă©cole dâArt y voit lâoccasion de sâentraĂźner Ă ses croquis. Martin, plus taciturne, part pour un voyage initiatique en pleine nature, cherchant Ă se rapprocher des dieux nordiques aprĂšs un drame dont il a souffert mais que lâauteur ne dĂ©voilera quâau fil du rĂ©cit. Alors que Jules essaie de renouer en dialoguant avec son frĂšre, Martin se terre sa mauvaise humeur et son silence. Le huis-clos du road trip et les quelques rencontres quâils vont faire vont les aider Ă cheminer sur leurs vies, leur famille et les liens qui les unissent (entre eux et aux autres), perçant doucement la carapace de MartinâŠ
InspirĂ© dâun vĂ©ritable voyage quâil a fait avec son frĂšre en NorvĂšge, lâauteur Jules Cremers nous livre lĂ sa premiĂšre bande-dessinĂ©e. Les illustrations de la nature et des grands espaces, dans les tons froids, permettent une sorte de respiration au cĆur de ce rĂ©cit finement construit. Câest une histoire sur les non-dits, le deuil, la colĂšre mais Ă©galement sur les croyances et ce Ă quoi on tente de se rattacher pour continuer Ă vivre, malgrĂ© tout..
Un histoire intéressante et un auteur à suivre.
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Et ĂȘtre en admiration sur les fleurs composĂ©es de multiples petites fleurs..
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Hilda et la princesse â Eva Rust â 2019
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Jâaime les albums jeunesse qui sortent des chemins tracĂ©s et de lâordinaire et câest le cas de Hilda et la princesse dâEva Rust, publiĂ© aux Ă©ditions Cambourakis.
Câest lâhistoire dâHilda, une sorciĂšre, qui vit au beau milieu dâune forĂȘt avec son bĂ©lier de compagnie. Leur vie est douce, ils se baignent dans la boue, prennent le petit dĂšj' au lit en mangeant frites et pizzas.
Un jour, Hilda sâaperçoit que la tour voisine est occupĂ©e. A lâintĂ©rieur de celle-ci, une princesse est venue sâinstaller suite Ă une malĂ©diction et attend quâun prince vienne la dĂ©livrer. Mais depuis quâHilda habite la forĂȘt, elle se charge de chasser quiconque pĂ©nĂštre sur ses terres, ce nâest donc pas demain la veille quâun prince pourra arriver jusquâĂ la tour. La princesse passe ainsi de nombreux jours Ă attendre son prince en chantonnant dâhorribles chansons qui exaspĂšrent Hilda. Un jour, Hilda nâen peut plus et fait sauter tous les verrous de la tour, libĂ©rant la princesse et la suppliant de rentrer chez elle. Toujours victime de sa malĂ©diction, la princesse montre Ă Hilda ses jambes, remplacĂ©es par une queue de poisson. Hilda - qui trouve quâavoir une queue de poisson c'est trop cool - propose de lui crĂ©er un philtre pour lui redonner forme humaine.
Mais le philtre est long Ă fabriquer et durant tout ce temps Hilda et la princesse se rapprochent et nâont plus du tout envie de se sĂ©parerâŠ
VoilĂ une rĂ©Ă©criture des contes de fĂ©es drĂŽlement rafraĂźchissante et que jâapprĂ©cie beaucoup ! On pĂšte les clichĂ©s et on propose de nouveaux rĂ©cits dans lesquels par exemple la princesse ne finit pas mariĂ©e avec un prince charmant qui lâa dĂ©livrĂ©e, il Ă©tait temps !
Si vous avez des exemples dâalbums jeunesse qui cassent les stĂ©rĂ©otypes, nâhĂ©sitez pas Ă mâen donner les titres en commentaires, merci đ€.
No Limit â Luke Healy â 2023
Ayant beaucoup aimĂ© Americana, jâavais hĂąte de lire la nouvelle BD de Luke Healy. Dans cette derniĂšre il nâest plus question de son expĂ©rience personnelle ; L. Healy nous propose une histoire faite de trois rĂ©cits qui sâentremĂȘlent, chacun avec une couleur de lâaurore borĂ©ale dessinĂ©e en couverture. Les deux premiers sont inspirĂ©s de faits rĂ©els tandis que le troisiĂšme est pure fiction.
- En jaune, Alaska 1913, Ă bord du Karluk, V. Stefansson embarque avec un Ă©quipage ainsi quâune Ă©quipe de scientifiques pour ce quâil appelle « la plus grande expĂ©dition arctique de tous les temps » en direction du pĂŽle nord pour trouver de nouveaux territoires. Il se fait t**d dans la saison et le bateau finit par se retrouver prisonnier des glaces. Pour ne pas rester coincĂ©es jusquâau printemps, plusieurs Ă©quipes se forment et partent chacune Ă pieds dâun cĂŽtĂ© de la banquise...
- En rouge, Alaska 1921. Ada Blackjack, une eskimo qui a besoin dâargent pour soigner son fils, se voit proposer un emploi de couturiĂšre durant une expĂ©dition dâun an sur le bateau de Fred Maurer en direction de lâĂźle Wrangel. Maurer, le capitaine, a Ă©tĂ© naufragĂ© sur cette Ăźle sept ans plus tĂŽt dans lâĂ©quipage de Stefansson et une fois sur place les rudes conditions de vie ont raison des nerfs dâAda.
- En vert, New Hampshire, 2013. Sully, professeur dâuniversitĂ© est placĂ© en congĂ© sabbatique dâun an par sa hiĂ©rarchie suite Ă des « inconduites ». En regroupant ses affaires, il trouve dans son bureau la plaque dâun certain V. Stefansson et va se rendre Ă la bibliothĂšque pour faire des recherches sur son prĂ©dĂ©cesseur. Cela va occuper quelque peu sa vie morne : Sully sort avec un de ses Ă©tudiants qui le dĂ©nigre totalement et nâa pas vraiment dâamis ni dâoccupations.
Si je devais rĂ©sumer cette BD en une phrase ce serait : câest lâhistoire de gens qui se lancent dans des aventures qui vont forcement partir en vrille et mal se terminer.
LâĂ©diteur prĂ©sente No Limit comme une histoire qui « interroge le besoin de lâHomme de repousser toujours plus loin ses limites, parfois au prix de sa vie. Pourquoi une telle prise de risque ? Quelles sont les motivations profondes de nos choix et dĂ©cisions ? ». Mais malheureusement je nâai pas perçu le questionnement ni entrevu de rĂ©ponse au fil de cette BD. Par contre la « mise en scĂšne de trois fiascos » pour le coup, ça câest bon !
Dans le rĂ©cit des expĂ©ditions tirĂ©es de faits rĂ©els, jâaurais aimĂ© comprendre plus clairement lâidĂ©e de ces derniĂšres, les motivations de ces hommes qui partent au risque de se retrouver ensuite piĂ©gĂ©s par la nature et les conditions extrĂȘmes. Enfin, je ne comprends pas vraiment pourquoi Luke Healy a choisi dâentrecroiser spĂ©cifiquement ces trois rĂ©cits. Ils se font Ă©chos mais pour moi il manque quelque chose pour que le fil rouge rende lâensemble solide.
Jâai par contre beaucoup aimĂ© le jeu des couleurs avec une couleur dominante pour chacun des rĂ©cits, ce qui permet de passer de lâun Ă lâautre sans se perdre.
Si pour moi la lecture de ces rĂ©cits dâĂ©checs fut un Ă©chec, je vous encourage Ă vous faire votre propre avis.
Pax et le petit soldat, Sara Pennypacker, 2017
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Prix SorciĂšres 2018 (prix qui rĂ©compense des Ćuvres de la littĂ©rature jeunesse), ce roman est un de mes coups de cĆur de lecture de cette annĂ©e 2023.
Câest lâhistoire de Pax, un renard et de Peter, son garçon. Peter a 7 ans lorsque sa mĂšre dĂ©cĂšde. Peu aprĂšs il trouve Pax, seul renardeau survivant dâune portĂ©e, au fond dâun terrier. Il dĂ©cide de le garder et de lâĂ©lever comme son animal de compagnie.
Cinq ans plus t**d, la guerre fait rage et le pĂšre de Peter sâengage. Alors que Peter doit aller vivre chez son grand-pĂšre, son pĂšre estime que ce dernier est trop vieux et trop bougon pour supporter un animal. Il contraint donc Peter dâabandonner Pax dans la forĂȘt. Mais Pax nâa jamais vĂ©cu Ă lâĂ©tat sauvage et encore moins hors de la maison et le garçon regrette immĂ©diatement ce geste. Une fois chez son grand-pĂšre, Ă des centaines de kilomĂštres de son renard, Peter dĂ©cide de partir Ă pied le rĂ©cupĂ©rer. Câest une grande aventure qui commence, Ă la fois pour Peter mais aussi pour PaxâŠ
Je ne le rĂ©pĂ©terai jamais assez mais les romans jeunesse ne sâadressent pas quâaux enfants (ou ados) et jâai eu grand plaisir Ă partager les vies de Peter et de Pax durant cette lecture. Les chapitres alternent entre ces deux personnages et beaucoup de rĂ©flexions sont menĂ©es sur le lien entre les humains et les animaux.
Les thĂ©matiques de la guerre, de lâamitiĂ© mais Ă©galement de la violence au sein de la famille sont amenĂ©es avec habiletĂ© tout au long du rĂ©cit.
Une histoire trĂšs Ă©mouvante Ă recommander aux jeunes et aux moins jeunes.
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La longue marche des dindes â LĂ©onie Bischoff â 2022
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Missouri, 1860. ConsidĂ©rĂ© par tous comme un benĂȘt, Simon se voit offrir son diplĂŽme par son institutrice qui lui demande de bien vouloir renoncer Ă lâĂ©cole et lâencourage Ă aller voir le monde.
Dans sa rĂ©gion les dindes ne valent rien tellement elles sont nombreuses. Elles peuvent cependant rapporter gros si on parvient Ă les vendre Ă Denver oĂč les gens ont faim. Mais cela prend des mois de parcourir Ă pieds les 1000 km jusque lĂ bas. Pourtant Simon est sĂ»r que lĂ se trouve son destin. Il recrute un muletier et ils partent convoyant les volatiles pour un pĂ©riple extraordinaire au cours duquel ils feront de nombreuses rencontres, pas toujours bienveillantes. Ces rencontres seront lâoccasion dâaborder des thĂ©matiques propres aux Ătats-Unis du XIXe : esclavagisme, racisme, pauvretĂ©, peuples indigĂšnes, etc.
Je nâai pas lu le roman original de Kathleen Karr dont est tirĂ© ce rĂ©cit mais je nâai pas ressenti de manque comme sur certaines adaptations oĂč lâon peut perdre la profondeur du rĂ©cit.
Cette histoire nâest pas joyeuse mais transmet des valeurs de tolĂ©rance, de bontĂ© et de dĂ©termination. Elle montre surtout que les benĂȘts ne sont finalement pas ceux que lâon imagine...
Ne cherchez pas Ă retrouver les aquarelles colorĂ©es qui ont fait le succĂšs de la prĂ©cĂ©dente BD de LĂ©onie Bischoff - AnaĂŻs Ninn - car son style graphique sâexprime ici diffĂ©remment ; le dessin tendre et expressif rend la lecture particuliĂšrement agrĂ©able.
Une chouette lecture que cette BD qui a obtenu le prix jeunesse au festival dâAngoulĂȘme cette annĂ©e.
La TreiziĂšme Heure â Emmanuelle Bayamack-Tam â 2022
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Je sors partagĂ©e de la lecture de ce roman. Câest ma premiĂšre lecture dâEmmanuelle Bayamack-Tam, j'ai apprĂ©ciĂ© sa prose littĂ©raire et crue Ă la fois, sachant transmettre les sentiments de ses protagonistes mais en mĂȘme temps jâai lâintuition de ne pas avoir lu lâun de ses meilleurs romans. Mes futures lectures de ses Ă©crits me diront si je voyais juste (Arcadie figurant dans ma PAL).
La TreiziĂšme Heure est un roman choral qui donne la parole Ă trois personnages.Dâabord Farah, jeune adolescente, dont le pĂšre Lenny a crĂ©Ă© lâĂglise de la TreiziĂšme heure. Ăglise Ă la fois libre, tolĂ©rante et q***r, qui se donne pour principe de montrer quâun nouveau monde est possible. RenfrognĂ©e comme une ado et Ă la fois si mature, Farah a grandit au sein de ce microcosme communautaire fait de poĂšmes de Nerval et dâilluminĂ©s cherchant un remĂšde Ă leur souffrance. Du haut de ses 16 ans, Farah se pose beaucoup de questions : pourquoi sa mĂšre est-elle partie sans laisser dâadresse juste aprĂšs sa naissance ? Pourquoi son appareil gĂ©nital ne correspond-il pas aux normes sexuĂ©es "habituelles" ? Autant de questions sur lesquelles son pĂšre reste totalement Ă©vasifâŠ
Ce flou dans lequel Farah tente de se construire nous apparaßt de plus en plus net au fil des pages grùce à la deuxiÚme partie du récit donnant la parole à Lenny au sujet de sa rencontre avec Hind, la mÚre de Farah.
Hind lâincandescente, qui refait surface Ă lâĂglise de la TreiziĂšme heure dix-sept ans aprĂšs la naissance de sa fille et Ă laquelle la troisiĂšme partie du roman donne la parole. Entre souvenirs dâune enfance algĂ©roise et violent rapport au corps, Hind est le personnage du roman le plus dĂ©taillĂ©, Ă la fois excentrique et inconstant, complĂštement trans...gressif.
Un récit surprenant malgré quelques longueurs.
Vous l'avez lu ? Qu'en avez vous pensé ? Avez vous lu Arcadie ?
***r
Pleine et douce â Camille Froideveaux-Metterie â 2023
Elles sâappellent Lola, Manon, Laurence, Lucie, StĂ©phanie, Corinne, Jamila, Colette, Nicole, Eve, Charline et Kenza. Elles se connaissent et vont toutes se retrouver un dimanche autour du buffet prĂ©vu par StĂ©phanie pour fĂȘter la naissance de sa fille Eve.
Chaque chapitre donne la parole Ă une de ces femmes. Chacune avec son Ăąge, son vĂ©cu, ses expĂ©riences, aussi intimes quâuniverselles.
Camille Froideveaux-Metterie, philosophe et fĂ©ministe renommĂ©e que jâaime beaucoup aborde avec ce premier roman de nombreuses thĂ©matiques dont on parle encore trop peu dans la fiction : la procrĂ©ation solo, lâĂągisme, le cancer ou la non-maternitĂ©. Autant de thĂšmes qui touchent de prĂšs ou de loin le corps des femmes.
Ces femmes pourraient ĂȘtre vos sĆurs, vos cousines, vos filles, vos mĂšres, comme elles le sont dans ce rĂ©cit, alors Ă©coutez leurs voix, plongez dans leurs intimitĂ©s et prĂȘtez lâoreille aux messages importants dont leurs histoires tĂ©moignent.
Une seule dĂ©ception pour moi : que chaque chapitre soit si court. Jâaurais aimĂ© rester plus longtemps avec chacune dâelles !
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Les Carnets de lâApothicaire â Itsuki Nanao & Nekokurage â depuis 2021 en France
VoilĂ une sĂ©rie de mangas que jâaime beaucoup.
Mao Mao a 17 ans et a Ă©tĂ© Ă©levĂ©e par un pĂšre adoptif et aimant au sein du quartier des plaisirs oĂč il est apothicaire. EnlevĂ©e par des ravisseurs, elle est vendue comme servante au palais impĂ©rial. Elle dĂ©cide de faire profil bas mais lorsque plusieurs nouveaux-nĂ©s dĂ©cĂšdent elle ne peut sâempĂȘcher de prĂ©venir ses supĂ©rieurs de la cause de lâempoisonnement. Elle est rapidement repĂ©rĂ©e et mutĂ©e auprĂšs des concubines favorites de lâempereur pour ses talents Ă dĂ©tecter les poisons et sa passion pour les remĂšdes. Dans un lieu oĂč la concurrence pour devenir impĂ©ratrice fait rage, Mao Mao a en charge de goĂ»ter les plats et de mener lâenquĂȘte en cas de tentative dâempoisonnementâŠ
Mao Mao est une jeune fille douce et docile mais lorsquâil est question de pharmacopĂ©e (surtout de poisons) sa passion peut virer Ă lâobsession, câest ce qui donne une touche dâhumour Ă ce manga. La sĂ©rie offre Ă chaque nouveau tome des enquĂȘtes Ă mener et des intrigues Ă dĂ©couvrir au sein du palais impĂ©rial. Les hĂ©ros sont attachants et le dĂ©paysement culturel au sein de ce japon d'autrefois est garanti.
A lâorigine Les carnets de lâapothicaire est une sĂ©rie de light novel (roman illustrĂ© populaire) Ă©crit par Natsu Hyuuga qui a Ă©tĂ© adaptĂ©e en manga. Il existe actuellement 10 tomes pour cette sĂ©rie.
Demain les ombres â NoĂ«lle Michel â 2023
Des Ă©quipes de recherche ont rĂ©ussi Ă isoler le gĂ©nome des nĂ©andertaliens â ces lointains ancĂȘtres dont lâespĂšce sâest Ă©teinte il y a 30 000 ans â et ont dĂ©cidĂ© dâen faire naĂźtre des bĂ©bĂ©s afin de les Ă©tudier. Eva, lâune des protagonistes de ce rĂ©cit choral est une chercheuse embauchĂ©e au dĂ©marrage de ce projet qui va Ă©voluer jusquâĂ placer ces enfants dans un parc naturel, Ă les Ă©duquer au sujet dâimaginaires ancĂȘtres, et Ă les laisser vivre dans la nature sous les yeux de camĂ©ras de surveillance. Projet scientifique mais Ă©galement commercial puisque les images ont pour vocation Ă ĂȘtre diffusĂ©es Ă la tĂ©lĂ©vision dans une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© appelĂ©e « NĂ©an Story ».
Lune Rousse, femme nĂ©an, est une autre protagoniste de ce rĂ©cit. Elle est nĂ©e dans le parc et y Ă©volue avec tout le savoir ancestral quâon lui a transmis mais souffre quâune « bĂȘte » que son clan ne parvient pas Ă identifier ait enlevĂ© lâenfant et lâhomme quâelle aimait.
Adam, quant Ă lui, est un jeune homme un peu perdu qui cherche Ă fuir la violence dâun pĂšre qui se dĂ©chaĂźne sur son frĂšre handicapĂ©. Il candidate Ă NĂ©an Story dans lâespoir de gagner assez dâargent pour permettre Ă son frĂšre dâaccĂ©der Ă un centre spĂ©cialisĂ©. Il est recrutĂ© comme acteur et va, avec trois autres comĂ©diens, faire irruption chez les nĂ©ans afin de booster lâAudimat en se faisant passer pour une tribu sapiens rencontrant les nĂ©andertaliens.
Eva voulait travailler sur un projet Ă©thique, Adam devait sĂ©duire Luciole, la fille de Lune Rousse, mais rien ne va se passer comme ils lâimaginaientâŠ
Recréant la fameuse rencontre entre néandertaliens et sapiens qui a véritablement eu lieu il y a 660 000 ans, Noëlle Michel nous offre une dystopie intéressante, aux airs de Truman Show, qui en dit long sur notre monde actuel.
Les personnages sont attachants et la plume de lâautrice est fluide et dĂ©licate. Lâhistoire mâa happĂ©e dĂšs les premiĂšres pages et les pĂ©ripĂ©ties qui sâenchaĂźnent rythment le rĂ©cit jusquâĂ la fin.
Un roman que je recommande pour son imaginaire qui vous emporte et surtout soulĂšve de nombreuses questions sur les humains que nous sommes aujourdâhui.
Ama : Le souffle des femmes â F. Manguin & C. Becq â 2020
EtĂ© 1962, Nagisa, jeune tokyoĂŻte, arrive sur lâĂźle dâHegura, dans la mer du Japon, pour rencontrer sa tante IsoĂ© et vivre quelques temps Ă ses cĂŽtĂ©s. Peaux tannĂ©es par le soleil et caractĂšres bien trempĂ©s, sa tante et les femmes de cette Ăźle minuscule sont ce quâon appelle des « ama ». Uniquement vĂȘtues dâun pagne, elles pratiquent et vivent dâune pĂȘche sous-marine traditionnelle en apnĂ©e, rĂ©cupĂ©rant dans les fonds marins des ormeaux ou des huĂźtres.
Il y a vingt ans de cela, la mĂšre de Nagisa Ă©tait la plus cĂ©lĂšbre ama de lâĂźle avant de disparaĂźtre du jour au lendemain sans donner de nouvelles. En apprenant ce mĂ©tier, Nagisa, jeune femme timide de la ville, va dĂ©couvrir la jeunesse de sa mĂšre et rĂ©parer les liens que cette derniĂšre a pu rompre avec lâĂźle et avec les autres femmes, notamment IsoĂ©.
Câest entre difficultĂ©s Ă©conomiques et poids des traditions que Nagisa, fuyant son passĂ©, va vivre une parenthĂšse de quelques annĂ©es, dans la paix de ce monde, Ă lâĂ©cart de la modernitĂ© qui transforme alors le Japon.
Une bande dessinĂ©e avec comme seule couleur le bleu, dĂ©paysante, qui sent la mer et le sel. Un joli rĂ©cit de femmes fortes teintĂ© de nostalgie pour une Ă©poque qui sâĂ©teint doucement.
.manguin
Hors-la-loi â Anna North â 2022
1894, Ada devient une hors-la-loi.
Fille de sage-femme, Ada assiste sa mĂšre depuis quelques annĂ©es en vue de lui succĂ©der. A 17 ans, comme toutes les filles de son Ăąge, elle se marie. Seulement, les mois passent et elle ne tombe pas enceinte. Pour sauver sa peau elle couche avec un autre homme mais rien nây fait, son ventre ne sâarrondit pas. A cette Ă©poque dans le village dâAda (et partout ailleurs), une femme qui ne donne pas dâenfant Ă son mari est considĂ©rĂ©e comme maudite. Celles que lâon appelle des « sorciĂšres » sont accusĂ©es de tous les maux du village : enfants morts-nĂ©s, malformations, stĂ©rilité⊠et sont en gĂ©nĂ©ral exĂ©cutĂ©es sur la place publique.
Pour lui Ă©viter la prison, la mĂšre dâAda lâenvoie au couvent oĂč entrer dans les ordres loin du monde apaise Ă©galement les rumeurs. Mais Ada ne veut pas de cette vie et sâenfuit, dĂ©terminĂ©e Ă chercher une explication mĂ©dicale Ă sa stĂ©rilitĂ© afin dâen trouver un remĂšde. Sur sa route elle croise un gang de hors-la-loi dirigĂ© par le Kid qui ne reprĂ©sente pas exactement ce quâen disent les plus folles rumeurs. Dans ce groupe, en Ă©change de son savoir-faire en mĂ©decine et herboristerie, elle va apprendre la vie de bandit et de truand (le dictionnaire me dit que ces deux mots nâont pas de forme fĂ©minine, tiens donc..).
De prime abord, les histoires de cowboys ne mâintĂ©ressent pas vraiment. Câest pour moi synonyme de racisme, violence et stĂ©rĂ©otypes masculinistes. Anna North rĂ©ussi de son agrĂ©able plume Ă nous peindre un western intime et humain dans lequel il nâest question que de femmes. En dĂ©nonçant la violence de la condition fĂ©minine dâune Ă©poque, lâautrice nous embarque dans une belle histoire de sororitĂ© et de volontĂ© de justice.
Cent ans de Laurelfield â Rebecca Makkai â 2021
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Depuis son premier roman, Chapardeuse, Rebecca Makkai fait partie des autrices que jâaime beaucoup. Ayant Ă©galement adorĂ© son 2e roman, Les Optimistes, je me suis hĂątĂ©e de lire sa derniĂšre parution. AprĂšs rĂ©flexion, je pense que le rĂ©sumĂ©, le titre et la couverture ne mâauraient pas vraiment donnĂ© envie dâouvrir ce livre sâil avait Ă©tĂ© Ă©crit par quelquâun dâautre.
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Lâhistoire, qui commence en 1999, raconte la vie de Zee et Doug, un couple dâuniversitaires. Parce quâils sont en galĂšre dâargent - Doug essaie depuis des annĂ©es dâavancer sa thĂšse sur un poĂšte peu reconnu - la mĂšre de Zee leur propose dâemmĂ©nager un temps dans la remise de la grande demeure familiale. Cette maison, qui appartient Ă la famille de Zee depuis une centaine dâannĂ©es, possĂšde une grande histoire : elle a abritĂ© durant des dĂ©cennies une colonie dâartistes en rĂ©sidence et a accumulĂ© les secrets au fil du tempsâŠ
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Cent ans de Laurelfield est un roman en 4 parties qui remonte progressivement dans le temps, de 1999 Ă 1900. Jâai trouvĂ© ce mode de narration astucieux car nous, lecteurs, Ă©voluons avec les personnages au prĂ©sent, ce quâils savent â ou pensent savoir â du passĂ© et comment ils interprĂštent certains documents quâils vont retrouver. Et au fil du rembobinage du rĂ©cit nous apprenons que les vĂ©ritĂ©s ne sont pas toujours celles que lâon croitâŠ
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A lâinstar des autres romans de R. Makkai, celui-ci se lit trĂšs bien. Sa plume est fluide et immersive. Jâai nĂ©anmoins eu lâimpression de quelques longueurs. De plus, la colonie dâartistes comprend de nombreux personnages et jâai parfois eu du mal Ă me souvenir de qui est qui dans lâhistoire. Câest mon moins prĂ©fĂ©rĂ© de ses trois romans mais il se lit tout de mĂȘme bien.
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Jâai adorĂ© lorsque, dans les remerciements de fin dâouvrage, Rebecca Makkai Ă©crit « ce livre devait traiter de lâanorexie masculine. Ne me demandez pas ce quâil sâest passĂ© entre temps ».
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Coming In â Elodie Font & Carole Maurel â 2021
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HappĂ©e par cette magnifique couverture et le trait si particulier de Carole Maurel je nâai pu mâempĂȘcher de mettre le nez dans cette toute rĂ©cente bande dessinĂ©e.
Lâautrice, quant Ă elle, je ne la connaissais pas. Elodie Font est journaliste et a reçu en 2018 le prix LGBTI : Out dâOr du meilleur documentaire pour son docu pour Arte Radio « Coming In » dans lequel elle parle de son homosexualitĂ©. Cette BD retrace son coming in sous la palette toujours splendide de Carole Maurel.
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Si le coming out est lâannonce « publique » de sa sexualitĂ© ou identitĂ© de genre, le coming in quant Ă lui est de pouvoir rĂ©ussir Ă prendre conscience et accepter sa sexualitĂ©, de soi Ă soi. Certains clameront que câest trĂšs simple de savoir qui on est, qui on dĂ©sire, qui on ne dĂ©sire pas, mais si vous avez dĂ©jĂ expĂ©rimentĂ© de vous convaincre de quelque chose alors mĂȘme que cette chose nâĂ©tait pas vraie (on lâa tous fait un jour, pour des choses plus ou moins importantes) alors vous savez Ă quel point cela peut ĂȘtre insidieux voire violent.
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Dans cette BD touchante, Elodie retrace le cheminement qui, de ses 15 Ă 30 ans, lui a permis de mettre des mots sur ses dĂ©sirs. Alors que le monde autour « savait », Elodie, qui avait petite fille longuement rĂȘvĂ© dâun mariage hĂ©tĂ©ro idĂ©al, restait dans le dĂ©ni. Vouloir correspondre Ă une norme alors que les signaux dâalerte hurlent intĂ©rieurement, câest comme remettre du crĂ©pi sur un immeuble en flammes. Le souci câest que ça nâempĂȘche pas lâincendie et que ça peut mener Ă la destruction totale de soi.
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Alors oui, pour certains les choses sont claires depuis le dĂ©part mais pour dâautres cela peut prendre toute une vie. Parce quâElodie nâa pas vraiment eu dâexemple auquel sâidentifier lorsquâelle Ă©tait adolescente, elle raconte dans son podcast puis dans cette bande dessinĂ©e le parcours de son coming-in. Instructif et important !
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Les CĆurs insolents â Ovidie & Audrey LainĂ© â 2021
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J'ai dĂ©couvert Ovidie avec son documentaire « A quoi rĂȘvent les jeunes filles » et Ă chaque fois que jâĂ©coute/lis une de ses interventions je me sens plutĂŽt en accord avec ce quâelle dĂ©fend.
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Cette chronique ne sera probablement pas objective car, bien que jâaie quelques annĂ©es de moins quâelle, qui est nĂ©e en 1980, jâai moi aussi passĂ© mon adolescence dans les annĂ©es 1990-2000.
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Alors que sa fille entre dans cette pĂ©riode wtf quâest lâadolescence, Ovidie se souvient de comment câĂ©tait pour elle au mĂȘme Ăąge. Adolescente aprĂšs la gĂ©nĂ©ration X nĂ©e en 1970 â 80 et avant la gĂ©nĂ©ration Y des « digital natives », Ovidie est issue de cette gĂ©nĂ©ration qui ne porte aucun nom. Cette gĂ©nĂ©ration oĂč lâon pensait que les viols nâĂ©taient commis que par des inconnus, la nuit dans des parkings (parce quâun mec qui abuse dâune m**f saoule en soirĂ©e câĂ©tait juste un opportuniste face Ă une m**f qui lâavait bien cherchĂ©) ; ces annĂ©es oĂč les termes « violences sexistes » et « consentement » nâĂ©taient pas utilisĂ©s ; ces annĂ©es oĂč tu ne pouvais pas avorter sans lâaccord dâun parent et oĂč il y avait un malaise sur le rapport Ă la sexualitĂ© mais que l'on arrivait pas encore Ă nommer.
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Cette BD parle de tout cela et entame une comparaison avec la gĂ©nĂ©ration actuelle, qui possĂšde plus dâarmes pour faire face Ă ces violences mais qui semble Ă©galement plus exposĂ©e par le biais dâInternet et des rĂ©seaux. Les gĂ©nĂ©rations passent mais certains problĂšmes sont toujours lĂ . Cependant, la façon dont on aborde le sexisme aujourdâhui, par rapport Ă il y a 20 ans, me rend optimiste bien quâil reste encore ENORMEMENT de boulot.
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Les illustrations dâAudrey LainĂ© illustrent parfaitement bien ce tĂ©moignage par leur expressivitĂ© et leur dynamisme.
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A noter Ă©galement : lâexcellente prĂ©face de Wendy Delorme dont je partage totalement les paroles suivantes : « Je suis de celles qui se reconnaĂźtront dans ces pages, et qui, Ă postĂ©riori, se sentiront moins seules dans leurs annĂ©es lycĂ©e. De celles qui auraient aimĂ© quâune fille comme Ovidie, la quadra dâaujourdâhui, leur donne ce livre Ă lire, quand elles Ă©taient ado. On peut lui dire MERCI ».
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Magus of the library - Izumi Mitsu â Depuis 2017
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Il aura fallu plus dâune centaine de posts sur mon compte Instagram pour quâapparaisse une chronique de manga. Et pour cause : je me suis mise Ă lire du manga cette annĂ©e, je dĂ©couvre et suis encore hyper novice dans ce domaine. A lâinstar de la bande dessinĂ©e, câest un rayon hyper variĂ© oĂč il est facile de trouver une lecture Ă son goĂ»t et dans le peu que jâai pu lire jâai dĂ©jĂ quelques coups de cĆur !
Pour cette fin dâannĂ©e, jâai envie de parler de Magus of the Library, une sĂ©rie ado qui contient pour lâinstant 5 volumes que jâai lus durant cette pĂ©riode de NoĂ«l et qui reprĂ©sente ma lecture dĂ©tente de cette fin dâannĂ©e. Elle ne sort pas vraiment de ma zone de confort puisquâil y est question de bibliothĂšques et de bibliothĂ©caires, câest ce qui a attirĂ© mon attention vers ce titre đ
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Câest lâhistoire dâun petit gars, Shio, harcelĂ© par ses camarades parce quâil est un sang-mĂȘlĂ©, qui trouve refuge dans la lecture. Faisant partie des classes pauvres de son village, lâaccĂšs Ă la bibliothĂšque lui est interdit, il sây introduit donc rĂ©guliĂšrement en douce pour avancer la lecture de ses aventures prĂ©fĂ©rĂ©es. Le jour oĂč des Kahunas, ces gardiens de la grande bibliothĂšque, font un passage par le village de Shio pour rĂ©gler une affaire de conservation de livres, câest toute sa vie qui bascule dans son envie de devenir Ă son tour bibliothĂ©caire. Pour ça, il va devoir sâentraĂźner dur et se rendre Ă la capitale pour se prĂ©senter au concours oĂč il va rencontrer de nombreux camarades mais surtout faire face Ă son destin, bien plus grand qu'il n'aurait pu l'imaginer...
Du fantastique, de la magie mais aussi des leçons de sagesse sur lâĂ©galitĂ© entre les diffĂ©rentes ethnies de cette histoire, entre les femmes et les hommes et les diverses classes sociales. Plein dâhumour, une flopĂ©e de personnages attachants, des pans dâhistoire du livre et des bibliothĂšques et une touche de suspense quant au destin de Shio, ce petit hĂ©ros qui doute beaucoup de lui. Il nâen fallait pas plus pour que ce manga me plaise et que jâattende dĂ©sormais avec impatience la sortie du tome 6.
Cette jolie sĂ©rie termine parfaitement mon annĂ©e 2022 âš
Le dernier des siens â Sibylle Grimbert â 2022
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Une lecture toute en émotions !
Lâhistoire se dĂ©roule au milieu du XIXe siĂšcle. Auguste est un jeune zoologiste qui part Ă©tudier la faune au nord de lâEurope. Lors dâune sortie en mer, il est tĂ©moin dâun massacre de grands pingouins, braconnĂ©s entre autres pour leur viande. Alors quâil croise la route dâun pingouin blessĂ©, il le ramĂšne Ă terre pour lâĂ©tudier et lâenvoyer au musĂ©um dâhistoire naturelle de Paris. Son but nâĂ©tait pas du tout de le garder prĂšs de lui, mais petit Ă petit, une relation particuliĂšre sâinstalle entre lâhomme et lâanimal ⊠Relation qui va durer une quinzaine dâannĂ©es. Gus ne le sait pas encore mais il va devenir le tĂ©moin de lâextinction dâune espĂšce, son grand pingouin Ă©tant probablement le dernier des siens.
Ce livre est une fiction, mais si bien documentĂ©e quâon a l'impression que lâhistoire est rĂ©elle, et surtout que Prosp le grand pingouin a bel et bien existĂ©. LâĂ©criture est simple et nous plonge dâemblĂ©e au cĆur de ce duo inattendu pour lequel les voies de communications sont quasi inexistantes. Et pourtant ça fonctionne ! Sans jamais tomber dans la caricature, Sibylle Grimbert nous raconte cette incroyable attachement entre deux ĂȘtres au cĆur dâune sociĂ©tĂ© humaine violente qui nâa que faire de la biodiversitĂ©. Nous assistons alors, tout comme Gus, Ă la fin dâune espĂšce rĂ©ellement Ă©teinte aujourdâhui. Que lâhumain soit responsable de la disparition dâespĂšces vieilles de plus de 100 000 ans pose de nombreuses questions Ă Gus et nous amĂšne, sans impĂ©ratif, Ă rĂ©flĂ©chir sur le lien que nous entretenons avec les animaux et avec notre planĂšte.
Un roman qui mâa provoquĂ© une forte empathie envers cet animal innocent, probablement plus quâenvers nâimporte quel hĂ©ros humain. Je nâavais pas envie de quitter Prosp en tournant les derniĂšres pages...
Ce roman trÚs touchant et original est une belle découverte de cette rentrée littéraire 2022.
anne.carriere