Saint-Antoine - plan Cornu
Authentique voilier en bois datant de 1957 en cours de restauration
Le quart de nonante ?
Le pont d’un bateau n’est jamais plat. La courbure transversale s’appelle le bouge. Problème : pour tracer le bouge du pont sur un gabarit, c’est un arc avec un très grand rayon (de l’ordre de 13 m pour le Saint-Antoine). Les charpentiers de marine utilisent alors la technique du quart de nonante.
Comment procéder ?
1) tracer la demi-largeur du pont et la diviser en 4
2) tracer la hauteur du bouge et la rabattre sur l’horizontale par un arc de cercle
3) diviser le bouge reporté horizontalement en 4
4) diviser l’arc de cercle en 4
5) joindre les divisions du bouge rabattu avec les divisions de l’arc correspondantes
6) reporter verticalement chaque segment obtenu sur chaque division du demi-pont
7) joindre les extrémités par une latte pour former une « belle ligne »
Cette technique m’a toujours intrigué.
Sur le plan mathématique tout d’abord. En effet, on peut vérifier avec un logiciel DAO que l’arc créé avec la technique du quart de nonante est un arc parfait, identique (ou presque) au même arc tracé à partir de son centre. Cela se démontre sans doute mathématiquement … avis aux amateurs.
Sur le plan linguistique ensuite. Le charpentier français qui m’a expliqué cette méthode me l’a bien décrite comme étant celle du quart de nonante … et pas celle du quart de quatre-vingt-dix ? Serait-ce une nouvelle histoire belge ?
Dans un bateau, rien n’est droit …
Comment découper une cloison pour qu’elle épouse parfaitement la courbure de la coque ?
Suivez le guide :
1) réaliser un gabarit avec des planchettes en contreplaqué. Certaines planchettes horizontales ou verticales sont posées au niveau à bulle. De plus petites planchettes posées à intervalle régulier viennent buter contre à coque. Ne pas oublier de trianguler.
2) Reporter le gabarit sur un panneau
3) Utiliser une latte fine en bois pour tracer « une belle ligne » entre les points de contact avec la coque
4) Découper le panneau. Pour les cloisons qui s’éloignent du maître-bau (plus grande largeur du bateau), biseauter le chant du panneau au rabot
5) Poser la cloison … et admirer son travail !
Après une petite trêve hivernale, les travaux reprennent ...
Le moteur …
Le moteur d’origine était un Général Motor de 90 cv. Lorsque le bateau est sorti de l’eau en 1980, le moteur a été déposé, et est resté sur le terre-plein pour finir par être envahi par la végétation. La décision de doter le Saint-Antoine d’un nouveau moteur fut vite prise :
- Le moteur est un élément de sécurité, il doit démarrer au quart de tour
- Les moteurs actuels sont plus performants, moins polluants, moins gourmands et moins bruyants que les moteurs des années 50
- Le nouveau moteur est beaucoup moins encombrant, ce qui laisse un peu plus de place dans le compartiment moteur pour d’autres équipements.
Le nouveau moteur est un Nanni Diesel N4.80 (de 80cv) Nanni diesel engines
Un Aquadrive (sorte de cardan qui permet de rattraper jusqu’à 15° de désalignement) a été posé entre le moteur et l’arbre d’hélice (de plus de 1,50 cm, d’origine et toujours intact !) afin d’éviter toutes vibrations intempestives, infiltrations, voire entrées d’eau importantes pouvant déboucher sur le naufrage du navire.
C'est fois-ci, pas de blabla, plus de vocabulaire, fini la technique, juste quelques photos "avant/après" ... ou ce serait plutôt "avant/pendant" ... parce qu'il faudra encore patienter un peu pour les vraies photos "après"🤷♂️
État du bateau en 2010 …
Le Saint-Antoine a navigué jusqu’en 1980. Il a alors été sorti de l’eau pour subir des travaux de réparation, comme le recouvrement de la coque en bois par un tissu de fibre de verre enduit de polyester. Fausse bonne idée car, non seulement le bois ne respire plus, mais avec les défauts d’étanchéité du pont, la coque rendue complètement étanche fait office de baignoire.
Quand il est arrivé dans son hangar pour y être restauré, quelques 300 l d’eau stagnante ont été pompés des fonds. Et pourtant, les varangues et quasiment toutes les membrures ployées en acacia étaient intactes.
Par contre, le pavois, quelques tronçons des serres-bauquières, le pied des hiloires de rouf et environ ¼ des bordés ont dû être remplacés.
Enfin, tous les barrots et barrotins de ponts ont été remplacés. Les assemblages à double queue d’aronde simplement immobilisés par une pointe ont laissé place à des encastrements à la colle époxy. Un produit magique qui mérite une publication à lui seul.
Vous ne comprenez rien à ce qui est écrit ci-dessus, revenez à la publication précédente appelée « Encore du vocabulaire … »😜🥲
Encore du vocabulaire ...
Dans le domaine maritime, le vocabulaire est très précis. Que ce soit pour la navigation (à la voile notamment) ou pour la construction navale.
Si bâbord, tribord, border, choquer, écoutes, drisses, allures, amures, ou encore bollard et chaumard ne vous parle pas, vous devez lire le hors-série de Voiles et Voiliers (Voiles et Voiliers) intitulé « Le Parler-Marin » - très intéressant, bien illustré, avec la traduction de chaque mot en anglais, ce qui peut s’avérer très utile lorsqu’on navigue sur un voilier de location à l’étranger.
Pour les termes de charpente marine, c’est vers « Le Guide de la Construction des bateaux en bois » aux éditions Chasse-Marée (Chasse-Marée, la r***e) qu’il faudra vous tourner. La lecture de ce petit guide ne vous permettra sans doute pas de construire de vos mains une grosse unité en bois, mais il vous aidera à comprendre les grands principes de la charpenterie navale, … et à connaître le vocabulaire qui y est associé.
Et « le Dictionnaire de la Mer » de Jean Merrien viendra compléter encore vos connaissances.
Fiche descriptive :
Matériau :
• coque : acajou
• membrures : acacia
• quille : chêne
• mature : spruce
Architecte : Eugène Cornu
Constructeur : chantier Jouët à Sartrouville
Année de construction : 1957
Longueur : 12m30
Largeur au maître-bau : 3m45
Tirant d’eau : 1m10
Puissance du moteur : 90 cv (remplacé actuellement par un moteur de 80 cv)
Aménagements (après restauration) :
1 cabine avant, 1 cabine arrière, un cockpit central, un carré avec cuisine en L, table à cartes et 2 couchettes de mer, 1 salle d’eau
Le transport, toute une histoire …
Le Saint-Antoine se trouvait sur un terre–plein à Cabourg. Il été transporté dans un hangar situé dans les Ardennes belges pour y être restauré. C’est l’entreprise Altead Transports Spécialisés qui s’est chargée du transport. Le chauffeur a su se faufiler en marche arrière entre les bateaux entreposés sur le terre-plein grâce à sa remorque au train arrière orientable par télécommande depuis la cabine du camion. La remorque elle-même était allongeable en fonction de la taille du bateau à transporter. Impressionnant !
Quant au grutage, opéré à Cabourg par des spécialistes de grutage de bateaux, ça n’a pas posé de problème. Ce ne fut pas la même histoire en Ardenne, ou les opérations menées par le propriétaire n’ont pas pris la même tournure, malgré la bonne volonté du grutier.
Un peu de vocabulaire …
Le Saint-Antoine est un ketch. Il a donc 2 mâts. Très bien, mais encore faut-il savoir distinguer le ketch de la goélette et du yawl, qui ont 2 mâts également.
• La goélette : le mât avant est plus petit que le mât arrière, ou est de même longueur.
• Le ketch et le yawl : le mât avant est plus grand que le mât arrière.
• Le yawl : le petit mât arrière est implanté derrière la mèche de safran. On parle alors du mât de « tape-cul »
• Le ketch : le petit mât arrière est implanté devant la mèche de safran, il s’agit alors du mât d’artimon
Pour être plus précis, le Saint-Antoine est un motorsailer. En plus de sa voilure, il est propulsé par un moteur de 90 cv. Ce terme peut être considéré comme péjoratif, car faisant penser à un bateau qui n’est ni un voilier, ni un yacht à moteur. Cornu préférait employer le terme de voilier mixte.
Quand vous tapez « Plan Cornu » ou simplement « ketch » sur Google, Wikipédia affiche la photo de l’Aquarius. Ce qui est frappant, c’est que l’Aquarius ressemble à s’y méprendre au Saint-Antoine, sans le « dog-house ».
Un peu d’histoire …
C’est en 1957 que le Saint-Antoine sort du chantier Jouët.
A l’époque, le chantier est installé à Sartrouville … eh oui, à 2 pas de Paris. Le chantier situé en bord de Seine a commencé par construire des bateaux-lavoirs, des barques à moteur, pour se tourner ensuite vers des bateaux de plaisance. Il faut dire le bureau d’étude du chantier était dirigé par Eugène Cornu, peut-être l’architecte naval le plus productif de sa génération. Vous lirez à son sujet l’article qui lui est consacré dans le Chasse-Marée n°173 Chasse-Marée, la r***e.
En 1957, les bateaux était construits à l’unité ou presque. En l’occurrence le Saint-Antoine a été commandé par le maire de Houlgate de l'époque, et la copie conforme du Saint-Antoine par son bras droit.
Ce n’est que quelques années plus t**d, avec l’avènement des coques en polyester qu’un seul moule devait servir à la fabrication d’un nombre maximum de bateaux, pour une question de rentabilité.
C’est ainsi que la fabrication de bateaux à l’unité s’est effacée pour faire place à la production en grande série.