Les Brouillons du Cinéma

Les Brouillons du Cinéma

Pour l'amour du VIIe Art de Frédéric Diefenthal.

18/11/2023

Par Jonas Parétias

02/02/2021

Dans le rétro:

All inclusive, archipel du goulag sous les tropiques (2019)

Alors qu'on le pensait déjà monumental avec l'Odyssée des « Camping », Fabien Ontonienté intègre la caste des titans avec son magistral All inclusive, œuvre aussi pudique que nécessaire.
Synthèse brillante de Soljenitsyne et de Kubrick, un nouveau maître de l'angoisse est né. Bruno, brutalement arraché à l'amour de sa femme, se retrouve embarqué dans une aventure humaine bigarrée qui le transporte hors de métropole. Un Dubosc écorché vif, incarnant Jean-Paul Cisse, un mythomane invétéré aussi naturiste qu'envahissant, nous sert ici de guide dans cette transhumance vers le néant qui se situe dans la suite royale 114 du club « Les Princesses ».

Dans une Guadeloupe, évidente allégorie de la Sibérie, sentiments et sens vont s'éveiller sur fond de musique électro-zouk-love et de cocktails commandés en double, le tout ne sera qu'un ersatz de palliatif de bonheur dans ce pseudo jardin d'Eden ensoleillé où l'omnipotent Thierry Lhermite fait vite comprendre à tous qu'aucun espoir n'est permis. Les vacanciers/prisonniers composent tous le club/goulag autant qu'ils en sont les victimes. Arrivés là, les lois des hommes ne s'appliquent plus à eux. Ce parcours initiatique, véritable chemin de croix de la déshumanisation, se construit sous le soleil et le sable fin, chacun recherche un soi déjà perdu dans cet univers carcéral. Se renier devient essentiel dans ce monde kafkaien dénué de sens : utilisation surannée de l'accent de créole par Dubosc, homosexualité feinte des deux personnages principaux pour garder la suite royale, références à la colonisation par la tenue vestimentaire des serveurs, propos sexistes et misogynes pré- d’un animateur dépeint comme expert en séduction ne sont que des boucliers destinés outrepasser cet enfer caniculaire. La survie sera acquise mais elle se fera sur l'autel des idéaux sacrifiés.

Quelle qu'en soit l'issue, nul ne sortira entièrement vivant de ce purgatoire stalinien sous les tropiques, surtout pas Franck Dubosc qui renouvelle sans cesse cette expérience telle une mise en abyme matérialisant la condamnation à perpétuité qu’est devenue son existence.

16/01/2021

Semaine exceptionnelle avec double ration de pudeur et d'exigeance....



Piège en haute mer, plaidoyer pour une utopie libertaire.

Le cuirassé USS Missouri, ancien fleuron des porte-avions des États-Unis, va devoir partir à la retraite. Pour célébrer sa fin de service, la fête d'anniversaire du commandant Adams doit lui offrir les adieux qui lui reviennent. Doit-on mettre à l'honneur les garants d'un passé, si glorieux soit-il ? Telle est la question que nous pose l'exigeant Piège en haute mer d'Andrew Davis. Faire sortir d'un gâteaux une miss juillet 1989, allégorie américanisée de la Marianne révolutionnaire et révoltée, spécialement commandée pour l'occasion, semble être le summum du cynique pour une société patriarcale et sclérosée qui se coopte. Heureusement, une groupe d'idéalistes libertaires va oser affronter ce système d'un temps qu'on espère bientôt révolu. Le commandant en second Krill (interprété par Bill Strannix), son associé joué par l'immense Tommy Lee Jones et leurs camarades vont tenter de prendre le contrôle du Missouri pour en faire le havre libertaire dont ils rêvent. La violence les répugnent mais ils savent que seul ce moyen s'offre à eux pour arriver à leur fin, quand il abat le commandant Adams Krill, alors déguisé en femme afin de dénoncer la domination cisgenre, abat autant l'homme que le système oppressif qu'il représente. L'opération se déroule parfaitement jusqu'à l'intervention du paladin réactionnaire incarné par Steven Seagal écorché vif par son passé. Ce dernier, sous le nom du chef cuisinier Ryback, nous fait comprendre que l'espoir n'est pas permis au fur et à mesure qu'il occis, à coups de couteaux et de micro-onde piégé, les soldats de la liberté. Inlassablement, il poursuit et tue tout ceux qui osent s'opposer à la société passéiste qu'il défend, sa première victime étant miss juillet 1989 qu'il asservit plutôt que de tuer. Le désespoir de ce combat perdu d'avance sonne comme une complainte élégiaque jeté vers une génération future qui doit se reconstruire sur les cadavres de ceux qui se sont sacrifiés. L'ultime outrage sera commis sur une Marianne révolutionnaire embrassée de force par un Steven Seagal/patriarcat qui veut montrer à tous ses condisciples ce qu'il « sait faire ». Le désespoir nous envahit mais l'espoir reste une lointaine lueur.

15/01/2021

Dans le rétro 🙌



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Camping ou le repos conquis des classes laborieuses.

Le cinéma social français ne peut que s'enthousiasmer d'avoir Fabien Ontonienté pour figure de proue, là où Ken Loach se démène maladroitement pour dépeindre le quotidien d'une société ouvrière en déshérence, Ontonienté dépeint avec pudeur la terne réalité de la France prolétarienne à l’aube du XXIe siècle. L'oppression créée par le huit-clos du camping des « Flots Bleus » n'a d'égal que la mine du Montsou dans le Germinal zolien. L'hommage est aussi subtil que dérangeant ; en effet, les rasades d'alcool anisés pendant les rares moments de détente autorisés par un patronat cynique n'ont d'égale que les dimanches laissés par les possédants de la mine, la présence du soleil n'a pour objectif que de rendre encore plus inique la vie de ces esclaves qui attendent les vacances pour s'enfuir. Le paroxysme et la vacuité de cette vie ouvrière sont atteints quand la figure tutélaire de Jacky se fait voler sa place de camping par un campeur néerlandais, figure trop évidente du travailleur détaché, que le port du slip de bain et de claquettes ne rend pas moins menaçant, et qu'une occasion est alors trouvée d'opposer les prolétaires qui encore une fois s'écharpent plutôt que d'attaquer le réel ennemi qu'est le grand capital. La figure candide de Patrick Chirac, incarnation réussie du théoricien révolutionnaire marxiste dans la lignée des grands penseurs que le XXe siècle n’a cessé de faire émerger des mobilisations populaires, nous sert ici de guide dans cette épopée mélancolique et perdue d'avance pour ceux d'en-bas, tel un miroir glaçant de notre propre inaction face aux combats que notre société contemporaine doit mener.

12/01/2021

Sky Sharks (2017), ode existentialiste philosophico-féministe en forme de nanar éculé.

Pudeur et exigence. Deux qualités essentielles, qui transparaissent dans chacune des 102 minutes de ce film au rythme haletant, caractérisent ce premier long métrage du peu prolifique Marc Fehse. Ce dernier marque ainsi ses débuts tonitruant dans un paysage filmique en manque de renouvellement. Cette perle rare d'un cinéma allemand, longtemps relégué aux épisodes interminables de Derrick, aux personnages portant des lunettes à double foyer sur des montures en écailles qui feraient pâlir d’envie Francis Heaulme et autre chiens incroyablement futés mais devenus cocaïnomanes après l'arrêt de la série, livre un tableau au vitriol, sans compromis, perclus de références. Au cours d’une mission scientifique, une équipe de géologues découvre fortuitement un ancien laboratoire toujours en activité où se déroulent des expériences étranges. Les éléments structurants d’un scénario de film de science-fiction classique semblaient réunis, mais c’était sans compter le rôle prépondérant accordé aux N***s, qui portent véritablement l’histoire à bout de bras jusqu’à son dénouement.

Dans son magistral La Peste, Camus avait utilisé la pandémie pour mieux dénoncer l'occupation et ses conséquences, en disciple génial, Marc Fehse dénonce les violences faites aux femmes en les incarnant, d'une manière peut-être trop transparente, dans des requins n***s volants attaquant des avions, non sans être chevauchés par des zombies SS, auxquelles les initiales du titre renvoient de manière subtile. Malgré son apparente simplicité, ce scénario ravira les spectateurs les plus érudits et cinéphiles : sa photographie digne des meilleurs films des années 1980, un son électro qui rythme la narration, des scènes d’action ultra-violente, la multiplication d’effets spéciaux réalistes, une appétence particulière pour les éruptions d’hémoglobine qui résonnent comme une allégorie des crimes n***s perpétrés en Europe, la vacuité des dialogues, sans oublier cette propension à exposer des corps nus plus que nécessaire comme si chaque scène pouvait se transformer en mauvais film porno… Ce cocktail détonant, si caractéristique des nanars, semble avoir rencontré son public, le film ayant en partie été financé par une levée de fond participative ! Autant d’élément qui ne sont pas sans rappeler le magistral Kung Fury, la classe en moins, sur lequel nous reviendrons !

Parangon de modernité, l’audace ultime de ce long métrage, qui pourrait aisément être décliné en franchise et répliqué à l’infini, réside aussi dans le choix de personnages féminins forts (Michaela Schaffrath et Eva Habermann) pour lutter contre ce mal dévastateur qui menace l’équilibre mondial. Héroïnes de ce film et elles-mêmes fille d’un ancien n**i repenti à l’origine du mal qu’elles combattent, elles sont tout autant une incarnation d’un combat féministe acharné menée pendant tout le XXe siècle pour j***r sans entraves de la liberté que l’incarnation de la pensée kantienne, véritable anthropologie philosophique, dans cette ode existentialiste philosophico-féministe.

01/01/2021

Chasse à l'Homme (1993), l'Omerta Catholique combattue par un mulet gominé.

Dès la scène d'introduction, que nombre de spécialistes s'accordent à définir comme le chef d’œuvre cathartique de John Woo, la dure réalité nous fait savoir qu'elle ne nous laissera aucun échappatoire. Elle existe, nous devrons la regarder droit dans les yeux tout le long du film.

Un vétéran de guerre du Vietnam, évidente allégorie de scouts trop souvent victimes du clergé, est poursuivis par une bande surarmée. Les abus, trop souvent cachés par l’Église, sont ici symbolisés dans une Nouvelle-Orléans qui glisse doucement vers une nouvelle Sodome et Gomorrhe où tout le monde connaît les déviances sans jamais en parler. En réponse à leurs souffrances, les victimes n'ont le droit qu'à l'exclusion. Emil Foulon qui organise ces chasses à l'homme pour clients fortunés incarne avec pudeur et exigence l'allégorie du cardinal Barbarin « chassant » de mèche avec P*k Van Cleef/ Père Preynat. Mais quand, dans son Grâce à Dieu, François Ozon présente des victimes faibles, John Woo ne cesse de dépeindre des victimes de combats. Le mal est fait mais il n'exclut pas la vengeance.

L'omerta catholique ne rencontre d'opposition que dans un lanceur d'alerte écorché vif incarné par Jean-Claude Vandamme, mulet gominé au vent, qui ne se satisfait pas d'être une victime expiatoire. Il décide de combattre ce système pervers, résolution prise lorsqu'il décapite un serpent avec ses dents, il se fait alors la promesse d’abattre une hiérarchie catholiques corrompue. L'abusé n'aura de cesse de se défaire de sa condition en vidant des chargeurs, de 80 b***es chacun, dans chacun de ses ennemis. Comme faire justice n'est pas suffisant, chaque macchabée doit être achevé d'un coup de pied double rotatif dans la tête afin de parvenir à finir le travail de deuil qui est le sien.

Le film s'achève dans une usine colorée de char de Carnaval, cadre innocent d'une jeunesse enfin retrouvée loin des turpitudes de la violence d'une institution catholique sclérosée qui soutient les agresseurs aux détriments des victimes.

13/12/2020

Quel cinéphile averti trouvera le chef d'oeuvre pudique et exigeant de la semaine ? Indice le mulet est roi.

11/12/2020

Agathe Cléry, plaidoyer pour la tolérance patronnée par Michel Leeb

« Vous serez soufflée comme un popcorn mais vous n'en aurez pas la couleur... », laconique, pesante cette phrase s'abat sur Agathe Cléry avec la violence froide d'un couperet de guillotine. Le diagnostic est posé pour le personnage interprété par une Valérie Lemercier écorchée vive sous la caméra intimiste d'un Etienne Chatillez encore une fois maître dans l'art de saigner les émotions. Loin de la vulgarité commerciale de120 battements par Minute de Robin Campillo, Agathe Cléry pose, avec pudeur et exigence la question des maladies orphelines. Un black face, allégorie évidente du sida dans les années 1990, nécessaire pour ouvrir les yeux d'une société prête à combattre les maladies mais qui ne veux pas voir ceux qui en sont atteint. Ciselé et percutant, le scénario, écrit avec l'aide d'un Michel Leeb engagé comme à sa plus belle époque, nous emmène dans les tribulations d'une femme de l'annonce de sa maladie jusqu'à l'acceptation dans cette dernière comme partie intégrante d'elle-même. Aidée par son amie raciste bienveillante (une Nadine Morano avant l’heure ?), interprétée par Isabelle Nanti qui s'impose toujours plus en figure de proue du cinéma social français, le chemin sera long et tortueux. La lutte quotidienne, aussi engagée que musicale, en tant que femme noire qui tente de s'accepter n'est pas sans rappeler les combats menés par Actup dans les années 1990. Ce film dénonce le racisme par le racisme dans une mise en abîme qui ne peut que forcer le respect des cinéphiles exigeants. Le black face est ici un outil de lutte, de subversion politique et sociétal qui nous mène vers l'espoir d'une guérison possible comme nous le prouve cette maxime finale : « Je suis blanche, je suis guérie ». À moins que nouvelle maladie, cette fois ci technologique, celle de la 5G brièvement évoquée dans ce film visionnaire de 2009, ne soit le nouveau fléau de notre société, mal pour lequel Etienne Chatillez devra cette fois ci brider les yeux de Valérie Lemercier pour un nouveau film manifeste militant.

07/12/2020

Vous êtes nombreux et nombreuses à écrire chaque jour quelle sera notre prochaine critique ?

Un indice ! Arriverez-vous à trouver ce chef d’œuvre ? Le gagnant.e aura le droit à une dédicace dans notre prochain papier !

04/12/2020

Halal police d’État (2011), odyssée cathartique pour panser les plaies de la guerre d’Algérie

Bien servi par un casting magnétique, l’histoire est portée à bout de bras par l’irrésistible duo bravache formé par les inspecteurs « Nerh-Nerh » (Ramzy Bedia) et « Le Kabyle » (Eric Judor), à la fois protagonistes, scénaristes, dialoguistes et adaptateurs, ici réunit pour la douzième fois pour le plus grand plaisir des esthètes. Ce scénario inventif, que d’aucuns n’hésiteront pas à qualifier de pudique mais exigeant, entraînera les deux enquêteurs spéciaux de la police algérienne jusqu’à Paris où ils devront déployer des trésors d’inventivité et de ruse pour prêter main forte à une maréchaussée française aussi dépassée qu’impuissante. Leur mission ? Arrêter un sérial killer parisien sévissant dans les épiceries de Barbès et dont a été victime la femme d’un diplomate algérien.

Pour son premier long métrage, Rachid Dhibou nous livre une vision sans concessions d’une police française au sein de laquelle l’impuissance des actes rivalise avec la vacuité de la pensée. Film d’anticipation tant la police inepte dépeinte dans ce film de 2011 semble résonner en celle qui défraie la chronique dernièrement… Derrière ce que les franges les plus réactionnaires et les moins éclairées de la société n’hésiteront pas à qualifier de trahison des institutions françaises de maintien de l’ordre, obligée d’accepter l’aide des « deux meilleurs enquêteurs d’Afrique du Nord » pour palier son incompétence abyssale, se cache en réalité une aventure politique stratosphérique, acide, sans concession...

Injustement boudé par une critique cannoise enfermée dans un patriotisme désuet, cette odyssée réconciliatrice jette les bases d’une nouvelle histoire algéro-française, deux nations meurtries pour l’une par le poids et les exactions de 132 années de colonisation et pour l’autre de la difficulté d’admettre les crimes commis au nom des intérêts économiques et commerciaux de la France. Parachevée par huit années d’une guerre aussi meurtrière que fratricide, les décennies post-indépendance ont laissé à vif les cœurs et les âmes, créant rancœurs et drames. L’incapacité de la police française à trouver l’assassin ne reflète-t-elle pas le propre aveu d’échec de la politique gaulliste dans un monde où les peuples aspiraient alors à nouveau à pouvoir disposer d’eux-mêmes, loin de la gestion paternaliste et intéressée des empires coloniaux, dont la France ?

Cruel miroir où passé et présent se répondent dans un contexte de sortie dans les salles presque pour les cinquante ans des accords d’Évian. Ramzy Bedia et Eric Judor y tutoient le génie en présentant des personnages en phase avec une génération à même d’accepter une réconciliation nécessaire entre l’Algérie et la France dans un film qui restera, longtemps, un véritable parangon de modernité et de placidité.

Photos from Les Brouillons du Cinéma's post 26/11/2020

Parce que nous sommes pour la co-construction des succès de demain. Choisissez le film pour la prochaine critique ! Résultats samedi soir ! 🧐

23/11/2020

All inclusive, archipel du goulag sous les tropiques (2019)

Alors qu'on le pensait déjà monumental avec l'Odyssée des « Camping », Fabien Ontonienté intègre la caste des titans avec son magistral All inclusive, œuvre aussi pudique que nécessaire.
Synthèse brillante de Soljenitsyne et de Kubrick, un nouveau maître de l'angoisse est né. Bruno, brutalement arraché à l'amour de sa femme, se retrouve embarqué dans une aventure humaine bigarrée qui le transporte hors de métropole. Un Dubosc écorché vif, incarnant Jean-Paul Cisse, un mythomane invétéré aussi naturiste qu'envahissant, nous sert ici de guide dans cette transhumance vers le néant qui se situe dans la suite royale 114 du club « Les Princesses ».

Dans une Guadeloupe, évidente allégorie de la Sibérie, sentiments et sens vont s'éveiller sur fond de musique électro-zouk-love et de cocktails commandés en double, le tout ne sera qu'un ersatz de palliatif de bonheur dans ce pseudo jardin d'Eden ensoleillé où l'omnipotent Thierry Lhermite fait vite comprendre à tous qu'aucun espoir n'est permis. Les vacanciers/prisonniers composent tous le club/goulag autant qu'ils en sont les victimes. Arrivés là, les lois des hommes ne s'appliquent plus à eux. Ce parcours initiatique, véritable chemin de croix de la déshumanisation, se construit sous le soleil et le sable fin, chacun recherche un soi déjà perdu dans cet univers carcéral. Se renier devient essentiel dans ce monde kafkaien dénué de sens : utilisation surannée de l'accent de créole par Dubosc, homosexualité feinte des deux personnages principaux pour garder la suite royale, références à la colonisation par la tenue vestimentaire des serveurs, propos sexistes et misogynes pré- d’un animateur dépeint comme expert en séduction ne sont que des boucliers destinés outrepasser cet enfer caniculaire. La survie sera acquise mais elle se fera sur l'autel des idéaux sacrifiés.

Quelle qu'en soit l'issue, nul ne sortira entièrement vivant de ce purgatoire stalinien sous les tropiques, surtout pas Franck Dubosc qui renouvelle sans cesse cette expérience telle une mise en abyme matérialisant la condamnation à perpétuité qu’est devenue son existence.

20/11/2020

En plein visionnage du film de la prochaine critique ! 🧐

16/11/2020

Taken, combat contre le démon de l'impérialisme culturel

Avec cette œuvre époustouflante, Pierre Morel, sous la houlette de Luc Besson, se fait le héraut de l'exception culturelle européenne, héraut en proie à une réelle angoisse métaphysique tant il semble nous crier qu'il est lui-même la victime consentante de l'américanisation qu'il veut combattre. Morel offre ici son rôle le plus poignant à un Liam Neeson, auparavant perdu dans les méandres de films plus qu'insipides, qui incarne l'allégorie d'une Amérique ne parvenant plus à séduire le monde par son soft-power et se trouve dans l'obligation d'utiliser la force comme nouvel impérialisme culturel. Sous le fallacieux prétexte de l'enlèvement de sa fille, référence à peine voilée à l'invasion irakienne de 2003, l'agent Bryan Mills débarque avec force dans une Europe qui tente de s'émanciper d'une tutelle d'outre-Atlantique de plus en plus pesante. La clé de voûte du film réside dans une seule réplique « Si c’est une rançon que vous espérez, dites-vous bien que je n’ai pas d’argent, par contre ce que j’ai, c’est des compétences particulières, que j’ai acquises au cours d’une longue carrière. Des compétences qui font de moi un véritable cauchemar pour vous. Si vous relâchez ma fille maintenant, ça s’arrêtera là. Si vous ne la relâchez pas, je vous chercherai, je vous trouverai et je vous tuerai. ». L'Amérique considère l'Europe comme son jardin et elle sera prête à tout pour que la garder. Le vieux continent combattant avec vigueur l'impérialisme culturel américain est figuré avec brio par un groupe de résistants albanais, venant d'un pays aux confins des Balkans. Ils incarnent la diversité et la richesse d'une culture européenne qui se veut émancipée et plurielle. Menés par un Arben Bajraktaraj, qui livre une prestation époustouflante en chef de gang prêt à tous les sacrifices pour ses idéaux, ces résistants incarnent un dernier espoir. L’affrontement sera brut, sans concession, la violence qu'il dégage ne peut que nous émouvoir tant nous savons que chaque coup de poing ou b***e tirée par Bryan Mills est dévastateur. Malgré toute sa résilience, pour l'Europe et ses cultures, tout est perdu d'avance mais la vacuité de ce combat insuffle l'épique dans ce film, la défaite est inéluctable mais elle sera belle.

09/11/2020

Une bromance transhumaniste à couper le souffle – Fast and Furious (2001)

De prime abord simple, pour ne pas dire simpliste, ce premier film de la franchise éponyme qui performe en tête des box offices depuis près de deux décennies nous livre un récit sans concession sur fond de criminalité, compétition, intrigue et boys club dans une Los Angeles dont la chaleur du bitume répond aux crissements des cylindres lancés à pleine vitesse. Dominic Toretto est accro. Il le sait. Le personnage principale interprété avec intensité par Vin Diesel, Daniel D. Lewis ne s'étant pas sentit capable de transmettre à l'écran une telle quête d'introspection, évolue depuis des années dans le monde viriliste drapé de machisme où l’intériorisation émotionnel constitue l'oppressive norme, il vit intensément sa passion pour l’unique élément sur terre capable de le faire vibrer avec tant de force : ses puissants bolides. Ne pouvant s’empêcher de lutter contre ces sentiments qui submergent corps et esprit, il reconnaît, non sans pudeur, nourrir des sentiments amoureux profonds pour ses véhicules alors que tous les séparent. Derrière ce personnage violent au leadership contesté par un concurrent sans vergogne (Johnny Tran), la force brute consciencieusement construite en poussant de la fonte cache un homme sensible en prise avec la puissance de ses espérances refoulées qu’un monde si peu enclin à accepter les différences emprisonne dans un conformisme patenté. Qu’importe les yeux doux lancés par ses « groopies » hypersexualisés. En dehors de son seul amour aucune pulsion de vie n'existe en lui, pas même les activités les plus nihilstes, comme risquer de perdre la vie dans un braquage de camion convoyeur de lecteur DVD. En effet, Dominic vit secrètement sa bromance avec une Honda Civic 1995 ou encore une Dodge Charger R/T 1970, cette dernière étant interprété par un Reda Kateb à fleur de peau, qui produit plus de 900 chevaux et 400 m D.A. en 9 secondes. Malgré le progressisme de la Californie, berceau florissant des entreprises de la tech dont les nouveautés bouleversent nos vies quotidienne dans l’espoir d’un monde meilleur, il se trouve confronté au mur de l’indifférence et du mépris que rencontrent tous les avant-gardistes, nés trop tôt dans un monde trop rigide. En attendant que le transhumanisme permette une jonction parfaite entre le joint de culasse de la Honda et l’aorte du cœur de Dominic, notre héros évolue dans un quotidien jalonné de prises de risque perçues comme autant de shoots d’adrénaline destinés à oublier l’adversité qui jalonne la course effrénée de sa vie, métaphore puissante d’un monde mécanique dans lequel cette bromance humano-automobile peut enfin trouver un sens.

02/11/2020

Camping ou le repos conquis des classes laborieuses.

Le cinéma social français ne peut que s'enthousiasmer d'avoir Fabien Ontonienté pour figure de proue, là où Ken Loach se démène maladroitement pour dépeindre le quotidien d'une société ouvrière en déshérence, Ontonienté dépeint avec pudeur la terne réalité de la France prolétarienne à l’aube du XXIe siècle. L'oppression créée par le huit-clos du camping des « Flots Bleus » n'a d'égal que la mine du Montsou dans le Germinal zolien. L'hommage est aussi subtil que dérangeant ; en effet, les rasades d'alcool anisés pendant les rares moments de détente autorisés par un patronat cynique n'ont d'égale que les dimanches laissés par les possédants de la mine, la présence du soleil n'a pour objectif que de rendre encore plus inique la vie de ces esclaves qui attendent les vacances pour s'enfuir. Le paroxysme et la vacuité de cette vie ouvrière sont atteints quand la figure tutélaire de Jacky se fait voler sa place de camping par un campeur néerlandais, figure trop évidente du travailleur détaché, que le port du slip de bain et de claquettes ne rend pas moins menaçant, et qu'une occasion est alors trouvée d'opposer les prolétaires qui encore une fois s'écharpent plutôt que d'attaquer le réel ennemi qu'est le grand capital. La figure candide de Patrick Chirac, incarnation réussie du théoricien révolutionnaire marxiste dans la lignée des grands penseurs que le XXe siècle n’a cessé de faire émerger des mobilisations populaires, nous sert ici de guide dans cette épopée mélancolique et perdue d'avance pour ceux d'en-bas, tel un miroir glaçant de notre propre inaction face aux combats que notre société contemporaine doit mener.

30/10/2020

« Une ode au vivre ensemble aussi réaliste que nécessaire » (Épouse-moi mon pote, Studio Canal, 2017)

Tarek Boudali, artiste émérite qui n’a plus rien à prouver en tant qu’acteur depuis son entrée fracassante dans le cinéma hexagonal sous les projecteurs d’Olivier Baroux (plus connu pour Les Tuche, qui a touché au cœur nos critiques) dans L’Italien (2010), nous livre une fresque sociale emprunte d’humanisme pour son premier long métrage.

L’engagement du scénario sur les enjeux sociétaux et les questions migratoires forme une symbiose parfaite, que le traitement de l’image quasi-documentaire renforce à chaque instant, illustrant sans pathos ni concession le quotidien d’une jeunesse qui sait faire entendre sa voix face à une administration bureaucratique kafkaienne et à un avenir dantesque. Toujours irrévérencieux, jamais caricatural, construisant des personnages à la personnalité complexe, le scénario joue avec la dualité, l’altérité teintée d’humour pour servir cette aventure humaine dans laquelle chacun est libre de se reconnaître et de s’identifier dans un contexte sombre où la quête de l’identité joue un rôle essentiel pour des individus en perte de repères.

Il faut remonter à l’excellent film coréen Geu-Hu (titré banalement The Day After pour sa sortie en France) d’Hong Sang-soo en compétition officielle au festival de Cannes en 2011 pour trouver une œuvre souffrant la comparaison dans une paysage artistique français en déshérence. Malgré la pauvreté des scénarii et un naufrage intellectuels des élites mondaines trop occupées à encenser des films dont la confidentialité n’a d’égale avec les recettes engendrées par leur projection, Tarek Boudali brise les flots de la médiocrité ambiante pour porter au firmament de son art une ode au vivre ensemble aussi réaliste que nécessaire !

29/10/2020

Un monument du VIIe art

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Audrey Dana et la lutte des classes