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02/11/2024

L’épopée du divorce, épisode final : le selfie manqué !

Que dire, sinon que la justice s’adapte aux aspirations de ses justiciables ?

Cette fois-ci, loin des échanges formels des chambres du conseil ou des négociations subtiles sur la répartition des biens, mon confrère se retrouva face à une requête pour le moins… surprenante : un devoir photographique ?!

Certains y verraient un curieux désir de figer juridiquement cet instant, mais faut-il vraiment sacrifier jusqu’à la solennité d’une signature ? Car, après tout, celle-ci n’incarne-t-elle pas la fin d’une union et le début d’un nouveau chapitre ?

Quant au “pouvez-vous poser pour mon compte Instagram ?”, il y aurait de quoi rédiger un traité — ou à tout le moins un encadré dans les futurs manuels de pratique notariale et judiciaire…

Dans une époque où les moments-clés semblent se quantifier en ‘likes’, même l’acte de divorce n’échappe plus à l’œil des smartphones. Devons-nous alors, en tant qu’avocats, envisager une offre “souvenir en selfie” pour immortaliser l’instant ?

À ce rythme, l’une des nouvelles qualités attendues de notre profession pourrait bien devenir une certaine expertise en mise en scène pour les réseaux sociaux…

Qui sait ? Peut-être verra-t-on un jour des packs juridiques : “Plaidoirie et photo”, “Audience et selfie”… voire des collaborations avec des photographes prêts à saisir la fin des audiences, où la loi et la spontanéité s’entrechoquent.

Et pourtant, il subsistera, espérons-le, un espace, aussi mince soit-il, pour préserver l’idée que le passage devant la justice requiert un brin de dignité, surtout lorsqu’il s’agit de clore une histoire.

En attendant, souhaitons que l’éthique judiciaire conserve ce minimum de sobriété — quitte à en décevoir quelques-uns.

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16/10/2024

Entre libération de la parole et présomption d’innocence : l’équilibre fragile de la justice médiatisée

Je ne m’en cache pas : les chroniques de Jean-Michel Apathie me laissent, en règle générale, un goût amer. Je ne suis guère sensible à son style, et ses prises de position me semblent souvent traversées par une complaisance que je trouve difficile à supporter. Cependant – et il me faut l’admettre ici – son analyse, dans Quotidien, de l’évolution du mouvement MeToo m’a frappé par sa justesse. À sa manière, il a su saisir l’essence d’un phénomène qui dépasse largement le simple fait d’actualité. Ce qu’il appelle, non sans raison, la nécessité d’une « écoute attentive » des victimes par les autorités, dès les premières paroles prononcées, constitue un point clé de la transformation profonde que nous vivons.

Pendant trop longtemps, ces voix, principalement celles des femmes, se sont heurtées à des murs d’incrédulité, de mépris parfois, de minimisation souvent. À cet égard, MeToo a ouvert une brèche salutaire, permettant d’instaurer une écoute initiale qui, enfin, replace l’humain au centre de la démarche judiciaire. Pourtant – et c’est là que réside toute la subtilité que j’apprécie dans la prise de position d’Apathie cette fois-ci – il ne s’agit pas pour autant de se soumettre aveuglément à ces accusations. La société, les autorités, doivent évidemment procéder à toutes les vérifications d’usage. Accepter la parole n’implique pas de renoncer à l’examen critique. Et Apathie de rappeler que cette libération ne doit pas sacrifier sur l’autel du progrès la prudence nécessaire pour éviter les dérives.

Si je peux louer cette évolution en faveur d’une meilleure appréhension des crimes sexuels, il est crucial à mes yeux de réaffirmer avec force l’attachement primordial du système judiciaire à la présomption d’innocence. C’est une valeur cardinale du droit, une protection sacrée face à ce que la société moderne a de plus effrayant : la rapidité avec laquelle elle peut détruire des vies, simplement sur la base d’une rumeur, d’une accusation non fondée. Qui pourrait oublier ces tragédies où des hommes, accusés à tort, ont vu leur existence s’effondrer sous le poids de la calomnie ? Trop de vies ont été gâchées par des imputations diffamatoires, par des cabales souvent savamment orchestrées.

Et justement, la complexité de l’affaire Mbappé réside là. Nous ne parlons pas ici d’un citoyen anonyme pris dans les rouages de la justice, mais bien d’une célébrité mondiale, une idole du football. Chaque geste, chaque déclaration, chaque faux pas est scruté, amplifié, déformé. Alors qu’une enquête pour viol aurait été ouverte en Suède, le Real Madrid a immédiatement pris position, qualifiant cette affaire de « plus gros fake de l’histoire du sport ». Et pourtant, dans cette tempête médiatique, un parfum de coup monté semble flotter dans l’air. Le hasard aurait-il voulu que ces accusations surgissent alors que Mbappé est engagé dans un litige financier de plusieurs dizaines de millions d’euros avec son ancien club, le PSG ? Le Bondynois réclame en effet, au club parisien, un montant de 55 millions d’euros, dont l’ultime tiers d'une prime à la signature (36 millions d'euros bruts), de ses trois derniers mois de salaires (avril, mai, juin) ainsi qu'une prime d'éthique (sic) sur ces trois mois. La question est dès lors posée. Car ce ne serait pas la première fois que, dans un contexte où des sommes faramineuses sont en jeu, des manœuvres de coulisses viennent perturber l’échiquier.

Mbappé, en réponse, a dénoncé une « fake news », liant cette rumeur à son litige
contre le PSG, initié bizarrement à la veille d’une audience importante. Il a même été rapporté que son avocate, Me Marie-Alix Canu-Bernard, a annoncé le dépôt imminent d’une plainte en dénonciation calomnieuse. L’ampleur de cette affaire va bien au-delà des frontières sportives.

C’est ici que je m’écarte aussi de l’opinion d’Apathie. Selon lui, la justice devrait alors s’exercer avec davantage de célérité au vu de la notoriété du joueur. Mais cela ne saurait être un argument recevable. La justice, par essence, doit traiter tous les citoyens avec la même diligence. Certes, l’affaire Mbappé est médiatisée à outrance, mais la célébrité ne doit pas être un facteur accélérateur de la procédure. Un citoyen lambda, aussi inconnu soit-il, mérite tout autant de voir son cas traité avec sérieux et rapidité. La justice, pour être équitable, doit placer tous les justiciables sur un pied d’égalité. Il ne saurait y avoir deux vitesses, une pour les célébrités et une autre pour les anonymes.

Ainsi, cette affaire est un miroir grossissant des dérives possibles d’une médiatisation outrancière. Si la libération de la parole est essentielle pour les victimes, elle doit aussi être contrebalancée par un respect inébranlable des principes fondamentaux de la justice, au premier rang desquels la présomption d’innocence. Parce que, dans cette ère où une accusation peut ruiner une vie en quelques heures, la prudence et l’équité doivent rester nos seules boussoles.

Avec en lien ici, un bref rappel des faits connus ce 16/10/2024, tout en image, tel que dressé aussi plus tôt par l’émission Quotidien : https://www.facebook.com/share/r/2o79uEWDTa2R62as/

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11/10/2024

Venue témoigner à un procès, la danseuse de french cancan Grille d’Égout fait son entrée dans le prétoire d’une démarche très suggestive.

Le président intervient :

- Ici ce n’est pas la jambe qu’on lève, c’est la main. Dites je le jure.

28/09/2024

La Loi de Brandolini : un combat quotidien de l’avocat

Dans l’arène complexe du droit, chaque affaire judiciaire est une scène où se jouent des vérités souvent assaillies par des allégations infondées. En tant qu'avocat, j'ai fait face à un phénomène profondément dérangeant : la loi de Brandolini. Ce principe, qui souligne l'effort disproportionné nécessaire pour réfuter des mensonges par rapport à celui requis pour les créer, se manifeste quotidiennement dans ma pratique.

Mes adversaires, armés de leurs discours flamboyants et de leurs arguments souvent vides de sens, s'engagent dans des batailles où la vérité est bien souvent reléguée au second plan. Ils s'érigent en bâtisseurs de narrations fallacieuses, faisant du verbiage leur meilleur allié, tandis que la rigueur des faits et la logique se retrouvent noyées sous un flot de discours séduisants mais trompeurs. C'est dans cette lutte que je découvre l'absurdité de la situation : je suis contraint de déployer un effort monumental pour démontrer l'inexactitude de leurs assertions, pour déconstruire une rhétorique habilement tissée, souvent sans fondement solide.

Chaque dossier devient alors un champ de bataille où l’énergie nécessaire pour défendre la vérité s'oppose à la légèreté des affirmations infondées de mes adversaires. Les heures passées à rassembler des preuves, à mener des recherches approfondies, à construire des arguments, sont souvent éclipsées par la facilité avec laquelle des mensonges sont proférés. Le paradoxe est amer : la vérité, pourtant si précieuse, semble perdre du terrain face à la désinvolture de ceux qui savent jouer sur les émotions, les préjugés et l'ignorance.

Il est essentiel, dans ces moments critiques, de se rappeler la sagesse tirée de la citation apocryphe d'Euclide, qui soulignait à juste titre que « ce qui est affirmé sans preuve peut être rejeté sans preuve ». Cette maxime devient alors une arme dans notre arsenal, un rappel que chaque allégation non étayée ne mérite pas le poids d'une réfutation exhaustive. Loin d’être un simple slogan, c’est un principe fondamental qui guide mes interventions, me permettant de neutraliser des affirmations sans fondement tout en recentrant le débat sur les faits concrets et vérifiables.

Comme le soulignait Mark Twain, « un mensonge peut faire le tour de la Terre, le temps que la vérité mette ses chaussures. » Cette réalité m’afflige, mais elle est aussi révélatrice de l’urgence de notre tâche. En tant qu'avocats, nous sommes parfois réduits à courir après la vérité, alors que les mensonges se propagent avec une rapidité déconcertante. Cette dynamique du mensonge, rapide et habile, impose à la vérité de se vêtir de patience, d’endurance et de rigueur pour se faire entendre.

Montaigne, avec sa perspicacité habituelle, nous rappelle que « si comme la vérité, le mensonge n'avait qu'un visage, nous serions en meilleurs termes. Car nous prendrions pour certain l'opposé de ce que dirait le menteur. » Malheureusement, le mensonge se déguise en vérité sous mille formes, et il devient difficile de naviguer dans ce monde où la clarté est obscurcie par la complexité. Dans chaque procès, je dois donc non seulement défendre mon client, mais aussi percer le brouillard de cette ambiguïté, débusquer les faux-semblants, et mettre à jour les vérités cachées.

Cette réalité se traduit également par une pression omniprésente lors des audiences. Dans ces moments cruciaux, chaque mot compte. La nécessité de clarifier des points enchevêtrés, d'exposer des vérités souvent méconnues, s'accompagne d’un défi de taille : répondre à des assertions fallacieuses qui, bien que sans fondement, captivent l’attention et façonnent l’opinion. C’est un combat qui exige de l’endurance, une capacité à rester calme et méthodique face à la tempête de mensonges qui peut s'abattre sur la salle d'audience.

Il est d'autant plus frustrant de constater que cette asymétrie dans la lutte pour la vérité ne se limite pas à l’enceinte judiciaire. Elle se propage dans le débat public, où la force des idées, même lorsqu'elles sont dénuées de fondement, peut occulter les voix rationnelles. Alexis de Tocqueville l’exprime bien : « Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe. » Cette observation résonne particulièrement dans le cadre de ma pratique. Les idées fausses, parce qu’elles sont simples et percutantes, s’insinuent dans l’esprit du juge, et il devient essentiel de contrer cette dynamique avec une argumentation solide et un discours structuré.

Pourtant, ce combat, bien que lourd de défis, est aussi une source d’inspiration. Chaque victoire sur le mensonge, chaque vérité rétablie, constitue un acte de résistance face à l’iniquité. C'est un rappel que, malgré la fatigue et l'exaspération, le rôle de l'avocat dépasse la simple défense de son client ; il s’agit de défendre un idéal, celui d’une justice fondée sur des faits.

Ainsi, la loi de Brandolini m’invite à persévérer, à puiser dans mes ressources pour démêler les fils de la vérité de l’amas de fausses assertions. Dans ce paysage où l’absurde peut parfois sembler triompher, je demeure convaincu que la rigueur, la patience et la détermination finiront toujours par prévaloir. Mon engagement en tant qu’avocat se renforce à chaque nouvelle cause, car chaque bataille pour la vérité est un pas vers une justice restaurée, un écho de l'intégrité que nous cherchons à préserver dans un monde où l'éclat du mensonge peut trop facilement obscurcir la lumière de la réalité.

Il est dans cette lutte que je trouve ma raison d'être. Chaque jour, chaque audience, chaque dossier m'offre l'opportunité de rappeler que la vérité, même si elle doit parfois se battre pour se faire entendre, finit par émerger. Et c'est cette certitude qui me motive à continuer, à défendre non seulement mes clients, mais également le principe même de la justice.

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06/09/2024

Un silence étrange plane dans l’histoire de Gisèle Pelicot, comme un voile tissé de brumes, lourd d’incompréhension. À travers les jours, sa mémoire se fragmente, perdue dans des heures volées, et pourtant, c'est là, dans ces zones d’ombres, que l’horreur se cache, presque indistincte, mais profondément incrustée.

Gisèle, silhouette fragile, spectre d’un passé qu’elle ne reconnaît plus, semble flotter au-dessus de sa propre vie, incapable de rassembler les fragments éparpillés. On imagine ces longues journées dans cette maison qui, autrefois, devait être un refuge, mais qui, au fil du temps, s'est transformée en théâtre d’actes indicibles. Ses pas dans les couloirs résonnaient d’une absence de conscience, comme si, même éveillée, elle n’était déjà plus tout à fait là.

Le procès qui s’ouvre n’est pas seulement celui des accusés, de ces hommes qui, sous prétexte d’un jeu libertin, ont brisé l’innocence d’une femme inconsciente. C’est aussi un procès du silence, celui de la société, des voisins, peut-être des amis qui n’ont rien vu ou, pire, qui ont choisi de ne pas voir. Les rues de Mazan semblent soudain s’effacer sous un lourd brouillard moral.

Dominique, le mari, autrefois figure banale de l’homme ordinaire, s’efface derrière son propre vice. Il n’est plus qu’un fantôme, un être presque irréel qui, dans l’ombre de sa maison, organisait des sévices qu’il filmait. Là, on ressent toute la distorsion d’une vie partagée : cinquante ans de mariage, trois enfants, une existence apparemment tranquille, qui dissimulait cette mécanique insidieuse. On perçoit, dans les souvenirs de Gisèle, des traces de la normalité perdue, des visages flous, des gestes aimants qui se mélangent aux ombres inquiétantes des viols répétés.

Il y a quelque chose de profondément dérangeant dans la manière dont les 51 accusés, tous différents, pompier, militaire, infirmier, se sont glissés dans ce jeu sordide. Ils auraient pu être des passants dans la rue, des figures rassurantes. Aujourd'hui, face à la justice, ils se cachent derrière une excuse – le libertinage, la provocation ou la duperie – comme s’ils pouvaient effacer la violence qu’ils ont infligée sous le couvert de l’ignorance.

Gisèle, elle, survit. Elle se tient droite, bien qu’effondrée, devant ce tribunal. Ce qu’on ne peut comprendre, on le subit, et elle incarne cette dignité fragile. La mémoire est une traque, un lent retour vers l’origine. Peut-être que pour Gisèle, la justice sera cet écho, un espoir ténu de reconstruire ce qui fut dérobé – une vie qui lui appartient.

Le verdict, quel qu’il soit, ne pourra jamais restituer l’innocence, mais il reste une parole, un symbole d’une humanité qui tente, face à l’indicible, de rassembler les éclats épars de la vérité.

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02/09/2024

Henri Leclerc, éminent avocat français et défenseur inflexible des droits humains, est décédé le 31 août dernier à l'âge de 90 ans.

En ce jour où nous nous inclinons devant sa mémoire, il est impératif de se rappeler des enseignements profonds qu'il a laissés derrière lui.

Comme un phare dans une mer agitée, il faisait souvent preuve de clairvoyance et de courage, dénonçant les discours alarmistes et répétitifs sur la délinquance qui nous assaillent année après année.

Ses réflexions, empreintes de sagesse, demeurent des balises précieuses dans notre compréhension de la justice et de la société.

À l'instar des grandes figures de la justice, il nous confrontait à la vérité simple mais dérangeante que la délinquance n'est pas une créature de nos cauchemars, mais une variable complexe de notre réalité sociale.

Voyez-vous, la délinquance est comme un fleuve capricieux dont les courants vont et viennent. Ses flux ne se mesurent pas seulement en chiffres ou en statistiques. Ils sont le reflet de notre société, marqués par ses tensions, ses injustices et ses aspirations.

Henri Leclerc nous a rappelé que la véritable justice ne se résout pas à la multiplication des répressions, mais à une compréhension profonde des causes qui sous-tendent ces troubles.

Les forces de répression, qui, comme le vent hurlant contre les dunes du désert, prétendent que la délinquance s’accroît toujours plus, ne sont que des échos d’une inquiétude mal placée. En amplifiant ces peurs, elles ne font que nourrir le spectre de la violence.

Henri Leclerc nous montra que les cris alarmistes ne changent rien à la réalité ; la délinquance, comme le soleil et la pluie, connaît ses saisons. Elle peut sembler plus intense dans certains moments, mais elle n'est pas la flamme éternelle que l’on prétend.

En se concentrant sur une répression toujours plus sévère, nous risquons de passer à côté des véritables solutions.

Les policiers, malgré leur rôle indispensable dans le maintien de l’ordre, ne peuvent à eux seuls panser les plaies de notre société.

L’égalité, la justice sociale et la prévention doivent être les instruments principaux de notre lutte contre les dérives, non seulement les bâtons et les chaînes de la répression.

Henri Leclerc, par sa sagesse et son humanisme, nous a laissé ici, lors de cette interview mémorable, une leçon impérissable : la justice ne se mesure pas à l’intensité de la répression, mais à l’équité des solutions apportées.

La délinquance est le symptôme d’une maladie sociale, pas un mal inexorable qui se déchaîne sans fin.

Célébrons sa mémoire en cherchant à comprendre les racines de ce mal plutôt que de nous perdre dans des discours vides de sens.

Aujourd’hui, en mémoire de cet avocat éclairé, j’avais à cœur de vous rappeler que la grandeur de la justice réside dans la quête de vérité et la sagesse, non dans la peur et la répression aveugle.

Laissons la parole à ceux qui, tout comme lui, souligne à quel point l’éclair de vérité est parfois la plus puissante des armes contre les ténèbres de l’ignorance.

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01/09/2024

Bruxelles, ce premier jour de septembre 1999. Le ciel était-il d'azur ou chargé de nuages gris, cachant la lumière du jour comme pour donner un air solennel à la cérémonie ? Qu’importe, ce jour-là, sous les voûtes augustes de la Cour d’appel, ma voix s’élevait pour prononcer des paroles gravées dans l’air comme une promesse dans l’éternité : “𝘑𝘦 𝘫𝘶𝘳𝘦 𝘧𝘪𝘥𝘦́𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘢𝘶 𝘙𝘰𝘪, 𝘰𝘣𝘦́𝘪𝘴𝘴𝘢𝘯𝘤𝘦 𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘊𝘰𝘯𝘴𝘵𝘪𝘵𝘶𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘦𝘵 𝘢𝘶𝘹 𝘭𝘰𝘪𝘴 𝘥𝘶 𝘱𝘦𝘶𝘱𝘭𝘦 𝘣𝘦𝘭𝘨𝘦, 𝘥𝘦 𝘯𝘦 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘮'𝘦́𝘤𝘢𝘳𝘵𝘦𝘳 𝘥𝘶 𝘳𝘦𝘴𝘱𝘦𝘤𝘵 𝘥𝘶̂ 𝘢𝘶𝘹 𝘵𝘳𝘪𝘣𝘶𝘯𝘢𝘶𝘹 𝘦𝘵 𝘢𝘶𝘹 𝘢𝘶𝘵𝘰𝘳𝘪𝘵𝘦́𝘴 𝘱𝘶𝘣𝘭𝘪𝘲𝘶𝘦𝘴, 𝘥𝘦 𝘯𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘴𝘦𝘪𝘭𝘭𝘦𝘳 𝘰𝘶 𝘥𝘦́𝘧𝘦𝘯𝘥𝘳𝘦 𝘢𝘶𝘤𝘶𝘯𝘦 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫𝘦 𝘯𝘦 𝘤𝘳𝘰𝘪𝘳𝘢𝘪 𝘱𝘢𝘴 𝘫𝘶𝘴𝘵𝘦 𝘦𝘯 𝘮𝘰𝘯 𝘢̂𝘮𝘦 𝘦𝘵 𝘤𝘰𝘯𝘴𝘤𝘪𝘦𝘯𝘤𝘦.”

Ainsi naissait une carrière, non pas simplement une carrière, mais une aventure, un pèlerinage, une croisade légale sous la bannière de la justice. Car défendre le juste, c'est comme escalader l'Olympe, où les sommets sont battus par des vents de vertu, où les échos de la vérité résonnent dans chaque pierre et où l'ombre des titans juridiques d'antan surveille avec bienveillance chaque pas.

Il faut imaginer ce serment comme le serment de Pylade à Oreste, comme le pacte sacré de l'honneur et de l'amitié scellé pour affronter l'injustice. Vingt-cinq ans, je fis de mon mieux pour être ce Pylade, portant le fardeau des causes, accompagnant l'innocence enchaînée dans les labyrinthes complexes du droit. “𝘘𝘶𝘪𝘤𝘰𝘯𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘶𝘵𝘵𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘫𝘶𝘴𝘵𝘪𝘤𝘦, 𝘧𝘶̂𝘵-𝘪𝘭 𝘱𝘶𝘪𝘴𝘴𝘢𝘯𝘵, 𝘵𝘳𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳𝘢 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘭'𝘢̂𝘮𝘦 𝘥'𝘶𝘯 𝘢𝘷𝘰𝘤𝘢𝘵 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘭𝘶𝘪 𝘰𝘱𝘱𝘰𝘴𝘦𝘳 𝘭𝘢 𝘳𝘢𝘪𝘴𝘰𝘯”, aurait dit Hugo, et c’est bien cette âme que j’ai tenté d’incarner, inflexible devant l’adversité, redoutable face à l’injuste.

Un avocat, c’est un peu comme un poète : il doit avoir la science des mots, la rigueur de l’esprit, mais aussi cette flamme intérieure qui éclaire la vérité, même quand tout semble plongé dans l’ombre. Il doit être, tour à tour, l’orateur éloquent qui fait vibrer les cœurs, le stratège habile qui démêle les nœuds les plus inextricables de la loi, et le sage qui connaît la valeur du silence, lorsqu’il vaut mieux que mille discours.

Dans les méandres du droit, j’ai parfois croisé des âmes perdues, des causes désespérées, des situations où la justice semblait être une étoile morte, dont la lumière n’atteindrait plus jamais la terre. Et pourtant, même dans ces moments de doute, j’ai trouvé une étrange consolation dans ce serment. Car un serment n’est pas un simple mot gravé sur un papier jauni par le temps. Non, c’est un pacte avec soi-même, une promesse faite non pas à une autorité extérieure, mais à cette partie de notre être qui ne se corrompt pas, qui ne vieillit pas, et qui, malgré toutes les tempêtes de la vie, reste inchangée.

Au fond, le serment que j’ai prêté il y a vingt-cinq ans est une prière laïque, une invocation de ce qu’il y a de plus noble en nous. C’est une déclaration d’amour à la vérité, un hymne à la justice, cette belle endormie qui attend d’être réveillée par un ba**er de la loi. C’est une promesse de fidélité à la Constitution, ce poème du droit qui, comme tous les grands poèmes, transcende le temps et l’espace pour toucher à l’universel.

Et comme tout serment, il n’est rien sans l’esprit qui l’anime, sans la conviction profonde que chaque cause défendue doit être juste, non pas seulement aux yeux du monde, mais surtout aux yeux de cette conscience intime, cette “petite voix” qui nous murmure à l’oreille les vérités que l’on ose parfois à peine s’avouer.

On dit souvent que la justice est aveugle, mais je préfère croire qu’elle est clairvoyante. Elle voit au-delà des apparences, des mensonges, des fausses vérités qui pullulent comme des mauvaises herbes dans le jardin de la société. Elle discerne, dans le tumulte des passions humaines, ce qui est vrai, ce qui est juste, ce qui mérite d’être défendu.

On pourrait comparer ce quart de siècle à un roman de chevalerie, où le code des lois remplace celui de l'honneur, où la plume trempée dans l'encre remplace l'épée, et où le bouclier n'est autre que la vérité. Il y a dans tout homme qui réfléchit un double homme : l'homme de la justice et l'homme du droit. J’ai été ce double homme, écartelé entre les textes austères des lois et la chaleur vibrante de la justice humaine.

Les Cours et Tribunaux où j’ai plaidé sont comme autant de chapitres d’un récit épique, où chaque affaire est une épopée à part entière. Qui n'a pas, à travers ses plaidoiries, ressenti cette lutte titanique, où les principes sacrés de la Constitution se dressaient comme des colosses contre les forces obscures de l’iniquité ? Je n’ai pas seulement plaidé des causes, j’ai rédigé avec ferveur les pages d’un livre où le droit et la justice dansaient une valse éternelle, et ce livre est la Belgique, une nation fière de son héritage légal, dont je ne suis que l'un des humbles gardiens.

Mais il y a aussi l’humour, car je savais moi-même que la solennité sans légèreté est une forêt sans clairière. Combien de fois, en écoutant des argumentations aussi tortueuses que les sentiers de la Sambre, me suis-je permis un sourire, un éclat d’esprit, une remarque qui, tel un rayon de soleil à travers les vitraux de la Cour, éclairait le cœur de l’audience ? Le rire, c’est le miel de l’âme, et j’ai parfois réussi, avec la finesse d’un satiriste, à trouver le juste équilibre entre gravité et légèreté.

Vingt-cinq ans, un quart de siècle, une vie presque, et pourtant, pour celui qui sert la justice, ce n'est qu'un chapitre, car la quête de la vérité est sans fin. C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. Mais moi, tant bien que mal, j’ai écouté, j’ai tendu l’oreille pour entendre les murmures de la loi, les cris de la justice, et les porter, avec toute la conviction qu’il m’était possible de donner, devant ceux qui ont le pouvoir de les entendre.

Ainsi, en ce jour anniversaire, je rends hommage non seulement au serment que j’ai prononcé, mais aussi à tous ceux qui, avant moi, l’ont porté comme un flambeau, éclairant le chemin pour les générations futures. Puissent-ils, à leur tour, se souvenir que le véritable pouvoir ne réside pas dans la force brute, mais dans la justice rendue avec humilité, intégrité et compassion.

Alors, à l’aube de ces nouvelles années qui s’ouvrent devant moi, je m’efforcerai à rester encore ce Pylade, ce chevalier de la loi, cet homme double et indivisible, ce poète de la plaidoirie. Que le serment prononcé il y a vingt-cinq ans continue de résonner en moi comme une cloche sacrée, et que chaque cause que je défendrai soit, pour reprendre les mots de l’immense Victor, “𝘭𝘦 𝘤𝘰𝘮𝘣𝘢𝘵 𝘥𝘶 𝘫𝘰𝘶𝘳 𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘯𝘶𝘪𝘵, 𝘥𝘶 𝘱𝘢𝘴𝘴𝘦́ 𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘷𝘦𝘯𝘪𝘳, 𝘥𝘶 𝘱𝘦̀𝘳𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘦 𝘧𝘪𝘭𝘴, 𝘥𝘶 𝘧𝘪𝘭𝘴 𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘦 𝘱𝘦̀𝘳𝘦.” Car la justice est ainsi faite : elle n’est ni un état ni une fin, elle est un combat, un combat perpétuel pour l’équité, la vérité, l’âme et la conscience.

La commissaire aux drogues veut que les jeunes prouvent comment ils ont acheté leur ‘grosse voiture’ 13/08/2024

Lutter contre la criminalité financière : au-delà des mesures symboliques

La proposition de Mme Ine Van Wymersch, Commissaire nationale aux drogues, visant à contraindre les jeunes chômeurs propriétaires de voitures de luxe à prouver l'origine licite de leurs ressources, notamment par un renversement de la charge de la preuve, s'inscrit indéniablement dans une logique de lutte contre la criminalité. Toutefois, cette initiative, bien qu'animée par de nobles intentions, semble redécouvrir l'évidence en omettant de tirer pleinement parti de dispositifs déjà en vigueur, mais manifestement sous-utilisés en raison de l'insuffisance des moyens humains et financiers alloués.

En effet, l'imposition indiciaire, outil juridique existant, est censée permettre aux autorités fiscales de taxer les revenus non déclarés sur la base d’indices de richesse apparente, tels que la possession de biens de luxe ou des dépenses excessives, qui ne correspondent pas aux revenus officiellement déclarés.

Le mécanisme actuel fonctionne selon les étapes suivantes :

1. Identification des indices de richesse :
Les autorités fiscales détectent des signes extérieurs de richesse qui ne semblent pas cohérents avec les revenus déclarés par le contribuable, tels que l’acquisition de biens immobiliers, de véhicules de luxe, ou la réalisation de voyages onéreux.

2. Évaluation des revenus présumés :
Sur la base de ces indices, les autorités procèdent à une estimation des revenus présumés du contribuable. Par exemple, la possession d’une voiture de luxe peut être indicative d’un niveau de revenu supérieur à celui déclaré.

3. Imposition des revenus non déclarés :
Lorsque les revenus déclarés sont manifestement inférieurs aux revenus présumés, les autorités fiscales sont en droit d’imposer les revenus non déclarés, en laissant au contribuable la charge de prouver la légitimité et la justification de ses ressources.

Bien que perfectible, ce mécanisme pourrait certes être renforcé pour devenir une arme redoutablement efficace dans la lutte contre les trafiquants de drogue. Cependant, il souffre déjà de sérieuses lacunes, principalement imputables à un manque de ressources et de volonté politique. En se focalisant uniquement sur les jeunes chômeurs, la proposition risque de n'aborder que la partie émergée de l'iceberg : ces quelques individus qui exhibent leurs véhicules de luxe avec une arrogance née de l’impunité apparente. Néanmoins, ces jeunes, bien que visibles, ne constituent qu'une fraction négligeable des fraudes orchestrées par les organisations criminelles.

En désinvestissant depuis des décennies dans le SPF Finances, l'État belge a gravement affaibli sa capacité à lutter contre la grande criminalité en col blanc, qui, dotée de moyens considérables, n’aura aucun mal à mettre en place des stratégies d’évitement de la fiscalité. Il est donc impératif de commencer par renforcer les ressources et les compétences des services fiscaux afin qu’ils puissent s’attaquer plus efficacement à la criminalité financière. Comme le souligne le rapport annuel 2023 de la Cour des comptes, "les moyens alloués à la lutte contre la fraude fiscale sont largement insuffisants" (p. 45).

L’histoire nous montre que frapper les criminels là où cela leur fait le plus mal, à savoir sur le plan financier, peut s’avérer être une stratégie particulièrement efficace. Lors de la condamnation du célèbre Al Capone, les autorités américaines ont réussi à démanteler son empire criminel en s’appuyant sur des infractions comptables, portant ainsi un coup décisif à l’une des figures les plus emblématiques du crime organisé.

En conclusion, s’il est essentiel de soutenir toute initiative visant à lutter contre la criminalité liée à la drogue, il est tout aussi crucial d'éviter de se limiter à des mesures superficielles et discriminatoires. Une approche globale, renforçant les dispositifs existants et investissant dans les ressources nécessaires, est indispensable pour démanteler les modèles économiques des organisations criminelles et garantir ainsi la sécurité publique.

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