Poésie compost - maria rive

Matin matin je me promène
de semaine en semaine
Un cheval

J'ai des chemins pour la peine
au pas lent et sous les chênes
des allées qui se perdent

C'est là que je me promène
au pas de mon cheval blanc
ses crins légers dans le vent

Ma main posée sur les rênes
parfois frémit et se tend

Cheval, mon cheval
blanc qui tremble
Est-ce le vent ?

Quelle musique sous le bleu
il ciel, il mer, il turquoise
en mer d'Iroise
ouvrir les mots en grand avec
mon couteau de poissonnière
pour y loger
le bleu, le vent, la mer
Attends

Mes côtes sont numérotées
Dans un espace-temps incertain
Une vitrine où se tient
Mon squelette devant moi
Tiens- moi ça un instant veux-tu bien
Que je remette la main sur
La notice mais bien sûr
Le montage commence bien
J'hesite entre nord et sud
Et je peine à faire le lien
Le sel gris ma tête dure
Tout ce temps qui me fait loin
Loin le soir loin le matin
Un coup de peigne en métal
Pour le crin me ferait
Le plus grand bien je t'assure

(Ile de Sein )

Comme un chien derrière la porte les bruits
Que la nuit rend
Tapi le museau les pattes tap*s
Ses maîtres ? Tant p*s
Dorment
Chien écarte ses sourcils de quatre pattes
Ce blase qui lui colle aux basques
Poil mouillé
Porte à porte
Souffle un bon coup
Fumez naseaux !
Nuit chien debout

(Ile de Sein)

Le cul posé galets galets
Adossée à la jetée
Fermer les yeux
Le cri d'une mouette en plein vol
trace le ciel de gauche à droite
Il crachine et la lumière d'août suffit
à me sécher
Le 15 du mois à Molène c'est la fête
à sauve-qui-peut
Un cortège de navettes orange
à midi l'heure des fleurs sur l'eau
Bénie la mer et les saucisses
atterrissent à califourchon
sur les frites- barquettes
Une pointe d'andouille oui
Un chat
a rejoint la grève
Camouflé dans son blanc-sable plus
trois rayures
Un deux trois tandis que tu dors
Je crois

(Molène/Sein)

Telle une éponge je m'essore au fil des heures qui font ma nuit
je p*sse j'urine je fais p**i
puis me rendors
rincée du sommeil de la vache
qui puise dans ses dernières forces juqu'à la lie
telle je p*sse telle j'écris
jusqu'à la dernière goutte
j'exprime ma caboche jusqu'aux moindres replis
je sue j'exsude en poésie
et ma langue tannée de crevasses en crevures
voit la fin de ses jours dans un relent de rêve
de mots enfin vomis
qui tombent comme un veau
sur la paille fumante

(Sein)

Je cherche mes mots
entre les coquillages
la plage et mes pieds nus
je cherche mes mots
comme on voyage
j'ouvre la bouche sur un nuage
sans répertoire
hors carte hors plan
hors champs sans balisage
je prends mon temps et n'aime rien tant
j'arrive sans arriver
je suis ce laps de temps
laps de sang mêlé
j'arrive infiniment

Seule dans la nuit
En tête à tête avec
Un morceau de papier
Minuscule
Pour toute voie lactée
Acter
La quadrature du cercle
Ce cinq par huit centimètres
Voué à l'échec
Il y a tant d'eau dans la mer
Tout l"océan se serre en ordre de bataille
Et à la file indienne
Chaque goutte espère
Jeter l"ancre au mouillage dans
ce rectangle de page

(Aber Wrac'h)

Grand-mère
Je mange des craquelins
Sur la mer
Un par un
Bombé dans la paume de la main
Poids plume d'airain
hâlé, le pied marin
Coque de fortune pour Crusoé liliputien
Coque je croque
Et craque
En éclats je mords
Le palais gonflé de vent
ferme et mouvant
D'un coup sec
Le ciel englouti flotte
A Perros-Guirec

J'attends le feu d'artifice
et j'aurais pu être actrice
dans un film en accéléré

La foule se presse, le quai
retient jusqu'à l'écoeurement
la houle des figurants

Qui retardent la nuit tombée
Dans le port plein à crever

(Audierne - 13 juillet 24)

L'étirement des heures face au lavomatique
Laisse un goût de café et de lessive en poudre
Il va pleuvoir demain
Le temps est élastique
Et les jours un par un sèchent au bout de leur corde

(Concarneau - 11 juillet 2024)

Le calendrier fait
le tour du stade
hippique
les tribunes sur le papier
placées de septembre à janvier
le long des jours sans fin
ni début
mais debout
je me tiens
à la fin du mois d'août
j'écris les yeux fermés
sans lendemain
la tête penchée entre les mains
à mi chemin entre
l'automne et l'été

Je vois que quelque chose dépasse
au milieu du couloir
une forme arrondie bonbonne
de gaz à demi
corps à corps
des lignes des rails
mon champ de vision ralentit
les châteaux du roi ruiné
flottent dans un demi soleil
sans tain
j'attends une forêt quelques arbres
où poser le pas suivant

On a un soleil quelque chose
un violent jeté de roses
dans un arc-en-ciel uni

Tes joues tes yeux ta bouche
trempés sur la palette
Les cheveux en sauvage
Ton chapeau à violettes

Ce qui arrive
arrive
je m'assois en chat
un peu plus là
jambes pliées
les yeux plissés
je vois
ça fera tant bonjour monsieur

Qui sont ces gens
ces gens qui sont assis devant
ces gens qui rient
gens qui sourient à pleines dents
oeil pour oeil
avec elle

Elle a mis du rouge
sur ses mots
dans ses cheveux
une tempête voyage
sa peur
du minuscule
bouscule

J'écris le long
d'un corps de femme
posé à onze heures
pile l'heure du café

Sur le mur blanc
un coup de pinceau
fait tout un sujet

nuage à bout portant
nuage rien ne bouge
pourtant

Des morceaux de tissu entre les mots
pour tenir chaud
les premières nuits
j'ai passé
ton maillot
gris
peau à peau
trop petit

C'est peut-être un train
sous mes pieds
lointains
juste sous les orteils
qui passe
Dilution diluvienne
le globe de mon crâne
dans la canopée
surnage
mais quel bouillon
entre les pages
mon ventre n'a plus d'âge
élision paysage
un mirage a flouté
la forêt

D'un battement d'aile
déjà la tourterelle
au loin
Mes bras de géant
mes pieds
sont muets
Tout me tient ici
Je n'ai que mes yeux
pour la revenir

Mon enfant battu
battu par le vent
danse au bout d'un fil
sa voix joue à pile
ou face

Je fais de la place
de l'air et du vent
j'empile l'espace
devenu trop grand

Des ourlets au temps
je passe l'aiguille
je suis malhabile
je passe le temps

Le vent qui attend
le vent écarquille
mes yeux de géant

Le vent mon enfant
lève une brindille
et c'est le printemps

Aurai-je assez de petites culottes pour aller
Jusqu'à la fin du voyage
Je dessine au couteau dans les plis de mon âge
La nuit des temps sculptée de blanc
Et je compte les cases
La cage de
La marelle
Je repasse les traits à la craie
Et après
Sous le large débord d'un nuage
Appuyée contre la cloison qui retient le ciel dans ses gonds
Je scrute le lointain
La ligne d'horizon dans le creux de la main
Se partage
Où sont mes pieds
Je ne sais plus compter
Mes pieds qui se diluent
Au fil des pages
Comment chaque orteil a t-il pu
Faire pareil
Est-ce la mer qui monte et me rend trouble
Ou mon nuage
Décontenancé
Qui vient me dissiper ?

Un truc
Avec l'Espagne
J'ai
Un truc qui ne passe pas
Par le cerveau
Un tuyau branché sans façon
Du sol au plafond
C'est un truc qui m'accompagne
Une connexion
A l'ail et à l'oignon
Visible sur mon
électrocardiogramme

Des jours et des jours que je marche
Au bord d'un trou
Tant et tant
Que je ne sais plus très bien
De quel côté
Je marche
Depuis des jours et des jours

Je remonte des bas-fonds
Avec mon équipage
Tout est là
On n’est rien
Y a t-il un parafou
Pour ne pas retourner
En arrière
Sans mentir
Y a t-il un talisman
Y a t-il un garde-peur
Pour ne pas regarder
Un œil de protection
Je reviens des bas-fonds
Avec mon bagage
Ne pas se retourner
Tout est là
On n’est rien
Et mes yeux sont brûlés
Je reviens du tréfonds
C’était où
Comment c’est
On n’est rien
Tout est là
On est là
Et c’est tout
Je reviens
Comment c’est
Commencer
Est-ce qu’on peut commencer

Le ciel s'est couché sur la neige
les bras en croix
une longue minute s'accroche
au cadran du silence
ton printemps est en avance
tes mains tes pieds tes sourcils
tes sourcils sous mes doigts
mon ciel
ma neige
mon ange

Tous les yeux de la nuit s'allument aux fenêtres
Le calendrier perd la face
Ephéméride au pied du mur